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ESSAI HISTORIQUE SUR LE NORD DE L’INDO-CHINE.

Kouy-tcheou et les bords du Kin-cha kiang, entre le Yun-nan et le Se-tchouen, ne remonte qu’en 1775. À cette époque, les Miao-tse de cette dernière zone étaient divisés en deux royaumes, désignés sous le nom de grand Kin-tchouen et petit Kin-tchouen. La capitale du grand Kin-tchouen s’appelait Lo-ou-ouei, et Sonom ou Sourvin y régnait ; le petit Kin-tchouen avait Maino pour chef-lieu, et Seng-ko-fang pour roi. Le général mandchou Akoui s’empara de ces deux villes, malgré une résistance désespérée. Aujourd’hui, ces intraitables montagnards ont profité des troubles du Yun-nan et de l’affaiblissement de l’autorité chinoise pour recommencer leurs incursions ; leur présence rend toute circulation impossible sur les rives du fleuve Bleu entre Mong-kou et Ping-chan.

Revenons maintenant aux populations thai du centre de l’Indo-Chine. Nous avons vu que sous le règne de Phya Alang, cinquantième successeur du fondateur du royaume, Muong Choa fut détruit trois fois. Les mandarins chassèrent Phya Alang qui avait le cœur mauvais et le remplacèrent par un prince nommé Camphong. La chronique ne dit point si Camphong appartenait à la famille de Kun Borom. Son fils, Pi Fa, devint amoureux d’une femme de son père nommée Nang Senom, et Camphong le chassa de ses États. Pi Fa se réfugia au Cambodge avec son fils aîné, nommé Fa Ngom[1], et y vécut dans un couvent. Quand Fa Ngom fut arrivé à l’âge d’homme, le roi du Cambodge, nommé Phya Kathalat dans les chroniques laotiennes[2], reconnaissant en lui de grandes qualités, lui donna sa fille en mariage. Fa Ngom retourna au Laos, et y mena pendant plusieurs années une vie d’aventures qui en fait le héros de nombreuses légendes. Soutenu par Thau Kamyang, jeune prince qu’il avait aidé à reconquérir son trône[3], il marcha enfin à la rencontre de son grand-père, qu’il vainquit dans plusieurs combats. Camphong s’étrangla de désespoir, et Fa Ngom, reconnu roi de Lan Sang, par le Séna, prit le titre de Phya Luong Thorani Si Sathana Korna Houta. Il régna à Xieng Dong Xieng Tong, lieu situé au nord de Nong Kay, à peu de distance de l’emplacement actuel de Vien Chan. Cet événement eut lieu en 711 de l’ère Cholla soccrach, suivant les uns, en 715 suivant les autres (A. D. 1349 ou 1353). Le règne de Fa Ngom fut agité par de nombreuses guerres avec les pays voisins. En 1373, le royaume de Vien Chan était arrivé à un haut degré de splendeur. Le dénombrement que l’on fit à ce moment constata l’existence de plus de 300,000 chefs de maison, sans compter les esclaves et les sauvages. Fa Ngom mourut en 1374. Son successeur prit le titre de Phya Sam Sen Thai, Trey Pouvana Tati, etc. Il eut six fils ; l’un d’eux épousa une princesse de Siam, et un autre une princesse de Xieng Mai. Sam Sen Thai mourut en 1416. Son second fils, nommé Lamcamdeng, lui succéda et régna deux ans. À sa mort, une fille de Sam Sen Thai, débauchée et cruelle, fomenta la guerre civile dans le royaume. Un grand nombre de rois se succédèrent en quelques années sur le trône de Vien Chan, et périrent tous de mort violente. Les mandarins se concertèrent à la fin pour mettre à mort la prin-

  1. Pi Fa avait cinq autres fils nommés Fa Ngoi, Fa Ian, Fa Kamkam, Fa Kam, Fa Keo. Fa Ngoi était né en 1316. Il est à remarquer que Fa paraît être ici le nom de famille déjà porté par les rois de Xieng Hong et du Yun-nan ; son origine remonte peut-être à Chao fa ouang, le fondateur chinois des principautés laotiennes du Nord. Yoy. ci-dessus, p. 472.
  2. Probablement le prédécesseur de Prea Nipean Bat.
  3. Le nom de « Thau » semble indiquer que c’est un prince de Xieng Hong.