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ROYAUME DE NAN-TCHAO OU DU YUN-NAN.

anciens et les plus célèbres souvenirs bouddhiques de l’Indo-Chine se rapportent tous à cette partie de la vallée du Mékong.

À l’exception du royaume de Nan-tchao, dont il est facile de reconstituer l’histoire d’après les documents chinois déjà traduits, nous n’avons jusqu’au xiiie siècle, sur les royaumes de Xieng Hong, Xieng Tong et Muong Lem, que des légendes vagues ou des indications insuffisantes. Il semble résulter des recherches de M. d’Hervey de Saint-Denis dans Ma-tauan-lin, qu’il existait sous les Han postérieurs, c’est-à-dire vers le xe siècle de notre ère, un royaume important nommé Piao, sur les confins sud-ouest de la Chine. Sa capitale, nommée Yang-tsin, ou Che-li-fo (Tche-li fou ?), renfermait plus de cent temples ; la population du royaume comprenait 298 tribus différentes, professant le bouddhisme ; neuf grandes villes se reconnaissaient tributaires du roi de Piao, dont les domaines avaient trois cents lieues d’étendue de l’ouest à l’est. Le royaume de Piao est peut-être le royaume laotien dont la chronique du Tât de Muong, Yong rapporte la fondation. La conquête laotienne provoqua peut-être l’émigration vers le sud qui a été mentionnée déjà dans l’histoire du Cambodge (Voy. ci-dessus, p. 128-129). Les kouys des environs d’Angcor sont peut-être les parents des kouys que l’on trouve aujourd’hui au nord de Muong Lem, et le royaume de Khomerata serait celui dont Phya Ngam était le roi, et dont la tradition locale conserve vaguement le souvenir sous le nom de royaume des Momphas[1].

L’un des rois laotiens dont le nom se rencontre le plus souvent dans les annales siamoises et les légendes du Laos occidental, Thama Trai Pidok, paraît avoir régné dans la région comprise entre Xieng Hong et Xieng Mai. Il vivait à Xieng Sen, ville dont les ruines ont été mentionnées plus haut (Voy. ci-dessus, p. 363), peu après le temps où Phra Ruang, le prétendu fondateur de l’ère siamoise, venait de construire la ville de Sang Khalok sur la branche orientale du Menam, et de secouer le joug du Cambodge. Le fils de Phra Ruang, Phaya Soucharat, fit fondre des canons et fortifier sa capitale. Bien lui en prit, car le roi de Xieng Sen l’attaqua, et malgré le secours que le roi de Xieng Mai, Phromavadi, prêta à son cousin Phaya Soucharat, celui-ci fut obligé de se soumettre à son adversaire et de lui donner sa fille en mariage. Thama Trai Pidok étendit sa domination sur tout le royaume de Phra Ruang, fonda au sud de Sang Khalok la ville de Phitsa Noulok, et s’avançant beaucoup plus loin encore, établit un de ses fils roi de Lophaboury, à peu de distance de l’emplacement où s’éleva plus tard Ayathia. Un autre de ses fils fut roi à Xieng Hai et lui succéda au trône de Xieng Sen. À partir de ce moment commença entre la race siamoise et la race laotienne une série de guerres qui durèrent sept générations.

Une autre légende, rapportée par Mac Leod, dit que jadis régnait à Xieng Hai un prince qui étendit sa domination à une grande distance et donna en apanage à son fils la ville de Xieng Mai, qui, avant ce moment, s’appelait Muong Lamien, et à sa femme la ville de Xieng Tong ou de Kema Tunka[2]. Les vallées qu’arrosent le Nam Kok et ses nom-

  1. Il faut attendre sans doute avant de se prononcer définitivement à cet égard, que les travaux intéressants commencés par M. d’Hervey de St-Denis soient plus complets et plus précis.
  2. Consultez pour tout ce qui va suivre Gaubil, Mémoires concernant les Chinois, t. XVI, p. 31, 42, 55, 135, 160, 199, 239, 260, 284, 297, 366, etc. ; de Mailla, Histoire générale de la Chine, t. VI, p. 235, 355, 511, etc.