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ville, à la limite du territoire de Ta-lan et de Yuen-kiang. Dans les gorges d’une montagne dénudée, d’une couleur verdâtre, coulent plusieurs petits torrents sur les rives desquels a lieu l’exploitation. L’or paraît provenir de quartz infiltré dans les couches de schiste qui forment le sol. Il y a vingt ans que l’on a commencé à laver les sables des torrents et à creuser des galeries dans les flancs de la montagne ; mais les résultats n’ont jamais été bien considérables : ils n’ont jamais dépassé mille taels d’or par mois, c’est-à-dire une production annuelle de quatorze cent mille francs. Il y avait alors dix mille travailleurs. La production n’est plus aujourd’hui que de cinquante à soixante onces par mois, et un millier d’hommes seulement travaillent à ces mines, pauvres, misérables et sans chefs. L’exploitation est libre et le gouvernement ne prélève aucun impôt ; quelques puits appartiennent à des mandarins, qui les font exploiter à leurs frais ; le lavage des sables des torrents est encore ce qui paraît donner les meilleurs résultats ; mais l’espérance de trouver un filon quartzeux riche en pépites et de s’enrichir en un jour fait creuser dans tous les sens de longues et profondes galeries ; la roche qui en est extraite est concassée et tamisée, puis traitée comme les sables. On trouve quelquefois aussi de l’argent, mais en très-petite quantité.

Une autre production des environs de Ta-lan est digne d’attention ; c’est le fil que l’on retire de la toile d’une araignée particulière que l’on trouve dans les broussailles et dans les bois taillis. Ce fil est très-résistant et on l’envoie à Yun-nan pour fabriquer des étoffes ; il se vend environ 3 francs la livre.

Nous quittâmes Ta-lan le 16 novembre. Nous longeâmes l’enceinte de la ville et nous gravîmes immédiatement les hauteurs qui bordent à l’est, la vallée du Laï-phong ho. C’est le nom de la rivière de Ta-lan. Sur le bord de la route, une tête fraîchement coupée et placée dans une petite cage en bois, témoignait aux voyageurs que les entreprises des bandits étaient, sinon prévenues, du moins punies par les autorités locales. Nous rencontrâmes près du sommet de la chaîne que nous gravissions, les premiers champs de pavots que nous eussions encore vus. Comme pour nous prémunir contre la dangereuse plante, un de nos porteurs, ivre d’opium, laissa échapper le paquet qu’il portait et se coucha sur le bord du chemin, incapable de faire un pas de plus ; il fallut le remplacer par un des soldats de l’escorte. Nous redescendîmes bientôt dans une petite plaine, couverte de villages, à laquelle une série de gorges profondes donnaient la forme d’une étoile. Les talus des rizières étagées en amphithéâtre sur les pentes, dessinaient tout à l’entour comme une série de courbes de niveau aux formes ondoyantes et capricieuses. La pluie battante et le froid nous décidèrent à chercher un asile dans le premier village que nous traversâmes. Nous y fûmes claquemurés par le mauvais temps pendant toute la journée du 17, et la température, qui s’était abaissée jusqu’à 4 degrés, nous obligea à faire du feu.

La physionomie des habitants est assez profondément altérée par le mélange avec les races sauvages des environs, surtout avec les Ho-nhi, pour perdre presque complètement son caractère chinois. Les femmes Ho-nhi se reconnaissent facilement à la ceinture qu’elles portent sur les reins et à la pièce d’étoffe bleue qui leur entoure la tête. Nous repartîmes le 18 et nous admirâmes de plus en plus la remarquable science agricole des