Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/461

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour l’offrande des habits nouveaux aux bonzes. Nous avons été témoins de cette cérémonie à Bassac et à Xieng Hong ; dans le sud, elle s’appelle boun kon then ; dans le nord, boun khau salac. Dans le sud, la fin de l’inondation est marquée par la fête des bateaux ou heua song dont j’ai déjà parlé (voy. ci-dessus p. 202). L’érection d’une statue nouvelle, la prise d’habit d’un bonze, la copie des soutras, la consécration d’une nouvelle pagode, et enfin les funérailles donnent lieu à de nouvelles cérémonies[1].

La crémation des grands personnages (boun sop) est une des grandes solennités des populations indo-chinoises, et quand il s’agit d’un souverain, elle prend des proportions extraordinaires. Tous les fonctionnaires du royaume sont convoqués plusieurs mois à l’avance, et les édifices, construits pour recevoir le cercueil jusqu’au jour, souvent très-éloigné, où on le livrera aux flammes, sont d’une grande magnificence. Je ne reviendrai pas ici sur des détails souvent donnés. À la cérémonie des funérailles, que les bonzes président toujours en grand appareil, succèdent des fêtes, qui se prolongent pendant plusieurs jours et dégénèrent souvent en orgies.

Les cendres des morts sont recueillies, placées dans une urne et ensevelies soit dans l’enceinte des pagodes, s’il s’agit d’un bonze ou d’un grand personnage, soit à l’écart, dans la campagne. Ces sépultures sont indiquées par de véritables monuments, s’il s’agit d’un saint ou d’un prince, et plus ordinairement par de petites pyramides, des colonnes en bois sculpté et doré, ou de simples poteaux.

Si le bouddhisme cambodgien est intolérant, les mœurs religieuses sont au Laos d’une grande indulgence[2]. L’hospitalité que nous avons reçue pendant tout notre voyage dans les pagodes laotiennes, ne nous a jamais imposé d’autre obligation que d’aller tuer en dehors du territoire consacré, les animaux destinés à notre nourriture, et nous avons trouvé chez les ministres du culte un accueil partout bienveillant, presque toujours désintéressé.



  1. Voyez Atlas, 2e  partie, les planches XII et XXIII.
  2. La comparaison qu’a faite Wusthof au xviie siècle de la religion des deux pays est encore vraie aujourd’hui. Voy. Bulletin de la Société de Géographie, sept.-octobre 1871, p. 277.