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LE BOUDDHISME EN INDO-CHINE.

pays de Kochampri d’où paraissent venir les Phongs[1]. Les Thaï neua ne sont pas tatoués, portent les cheveux longs, une veste bleue, un pantalon de même couleur, large et court, quelquefois des jambières comme les sauvages et un grand turban de couleur foncée, d’une forme aplatie ; par-dessus leur veste, ils ont ordinairement une sorte de plastron en velours de couleur, orné de passementeries. Les femmes ont un costume analogue dans lequel la jupe remplace le pantalon. Quelques-unes portent une espèce de petit bonnet. D’autres sauvages encore, distincts de tous ceux que j’ai déjà énumérés, font à Hieng Hong leur apparition. Les plus intéressants sont les Lolos et les Yo Jens. Ils parlent une langue assez différente du chinois et il convient de les rattacher aux populations autochthones du Yun-nan ; pour les Laotiens, ce sont d’anciens Hos qui errent en nomades dans le pays. Les Lolos sont assez doux ; les Yo Jens passent pour très-habiles au tir du fusil et au métier de voleurs de grands chemins. Ils se réunissent fréquemment par bandes de vingt ou trente pour dévaliser les voyageurs.

Sur la rive gauche du Mékong, se trouvent encore des centres laotiens importants, tels que Muong Hou et Muong Iva ; nous allions les laisser sur notre droite pour remonter presque droit au nord vers la Chine. En quittant Xieng Hong, nous ne disions pas cependant un dernier adieu à la race thaï, dont nous devions retrouver de nombreuses tribus disséminées dans le Yun-nan, mais le pays dans lequel nous allions entrer allait revêtir une nouvelle physionomie religieuse. Dans le Laos, le bouddhisme est le grand régulateur de la vie sociale, le culte met partout son empreinte ; la pagode et le prêtre semblent deux rouages inséparables de l’organisation politique. Mais, à peine les populations d’origine et de civilisation chinoises font-elles leur apparition que l’idée religieuse est reléguée au second plan ; les cérémonies prennent un caractère laïque, le respect des ancêtres remplace le culte de Bouddha ; le bonze, au lieu de la vénération des fidèles, ne recueille plus que l’indifférence, bientôt le mépris. Son auréole de science et de sainteté s’efface. Il devient ignorant et mercenaire. Le bouddhisme végète, se cache et disparaît. On nous permettra donc, avant d’aller plus loin, de dire en quelques mots ce qu’est le culte bouddhique au Laos.



  1. Le mot Phasi, dont les Birmans ont fait Panthé, est d’après le colonel Phayre, le même que Parsi ou Farsi qui, dans l’Inde, est appliqué aux mahométans. Cette dénomination est très-ancienne ; M. Yule me fait remarquer qu’elle se trouve dans la Description du Cambodge, traduite par A. Rémusat. On y parle des Passé qui forment une des sectes religieuses de ce royaume. Ils portent des turbans blancs et rouges, ne mangent pas avec les autres sectes, et s’abstiennent de liqueurs fortes. Quant au pays de Kochampri, M. Yule a démontré déjà qu’il doit être placé dans la région dont Santa, Muong Ting et Yun-tchang occupent les extrémités.