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locale. Des cotonnades anglaises, du sel, qui sert souvent de monnaie dans les transactions et qui vient de la rive gauche du Mékong, des écheveaux de soie d’origine chinoise, des boules de gambier et de l’arec desséché venus de Xieng Mai ; quelques objets de mercerie et de quincaillerie, tels que glaces, peignes, balances, aiguilles, d’origine anglaise ou chinoise, forment la part de l’importation. Presque tout le monde, et surtout les sauvages Khos, parlent ici le dialecte chinois du Yun-nan.

Le 25 septembre ; nous reçûmes une nouvelle lettre des mandarins de Xieng Hong, accompagnée d’un mot d’Alévy. Il était dit dans la lettre des mandarins que l’année passée un ordre était venu du Yun-nan, prescrivant de ne pas laisser passer les étrangers sans prévenir immédiatement les autorités du Muong Ho. C’est le nom que les Laotiens donnent au Yun-nan. Alévy faisait dire en même temps à M. de Lagrée, et c’était là l’important, — que le sena consentait à ce que la Commission française poursuivît sa route jusqu’à Xieng Hong.

Nous partîmes de Muong Long le 27 au matin. À quelque distance de ce village, l’ancienne chaussée chinoise, qui a cessé d’être entretenue, disparaît ; on en retrouve de loin en loin quelques vestiges. La route reste néanmoins assez belle : de petits ponts couverts et ornés de bancs, jetés sur les ruisseaux ou les canaux d’irrigation, offrent de distance en distance des lieux de repos heureusement ménagés. La vallée, dont la route côtoie la chaîne de gauche, est peuplée et très-bien cultivée ; nous traversions un village tous les quarts d’heure. Vers midi nous franchîmes, sur un pont en bois, une large rivière, le Nam Pouï, venant du nord-ouest et qui me parut être le cours d’eau principal dont le Nam Nga n’était qu’un affluent. La vallée de cette dernière rivière prenait fin, et devant nous, dans toutes les directions, des chaînes de petites collines fermaient la route. Nous nous arrêtâmes sur la lisière de cette région montagneuse et nous couchâmes au village de Xieng Bang.

Le lendemain, 28 septembre, nous nous engageâmes dans un dédale de petites vallées et de collines aux croupes arrondies et aux pentes boisées, au milieu desquelles la route disparaissait, souvent dans des fondrières, mais dont l’aspect pittoresque et les paysages variés nous faisaient oublier la viabilité imparfaite. Plus nous avancions dans cette région nouvelle, plus la végétation et le caractère des sites revêtaient un aspect singulier. Pour des gens habitués depuis de longues années à la physionomie particulière de la nature tropicale, il y avait à ce changement un plaisir et une nouveauté extrêmes : c’était comme un ressouvenir inconscient de la patrie que nous retrouvions à chaque détour de ces vallées étroites. La population, composée presque entièrement de Khos, contribuait encore à accentuer ce changement. Nous fîmes halte le soir à Ban Koué.

Une certaine activité commerciale régnait sur la route que nous suivions. Des caravanes de bœufs porteurs, transportant du plomb, du coton, du tabac, du thé, et venant de Xieng Hong, nous croisaient à chaque instant. Nous étions aussi peu habitués à ce mouvement qu’au pays lui-même, et notre voyage en recevait un nouvel attrait. Le troisième jour de notre départ de Muong Long, nous débouchâmes dans la grande plaine de Xieng Hong, par la vallée de l’un des affluents de Nam Ha ; c’est au confluent de