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d’occuper une place honorable parmi les peuples civilisés. Les progrès rapides qu’ont faits les Siamois depuis qu’ils sont en contact avec les Européens, témoignent de cette aptitude, et encore de tous les rameaux de la race thai, le rameau siamois est-il celui qui nous paraît le moins accessible aux sentiments élevés.

Dans l’intervalle de ces visites, avait eu lieu l’échange des cadeaux habituels. Les libéralités du roi s’étendirent jusqu’à notre escorte, dont chaque personne reçut une pièce d’étoffe suffisante pour se faire un vêtement. Aux officiers, le roi donna des boîtes en argent repoussé d’un travail fort délicat.

Nous quittâmes Muong You le 18 septembre. Nos chevaux et nos bagages traversèrent la rivière pour prendre la route de Muong Long qui était notre prochaine étape dans la direction de Xieng Hong. Muong Long est l’une des douze provinces dont se compose cette principauté. Quant à nous, nous nous embarquâmes sur le Nam Leuï, et nous en descendîmes rapidement le cours sinueux. Nous nous arrêtâmes un instant à Muong Leuï, charmant village entouré de plantations d’aréquiers. Cet arbre commence à devenir fort rare et son fruit atteint, dans cette région, un prix considérable. Au delà de Muong Leuï, la rivière s’encaisse entre des collines boisées ; son cours, jusque-là paisible, devient torrentueux ; elle cesse bientôt d’être navigable jusqu’à sa jonction avec le fleuve. Après une heure trois quarts de navigation totale depuis Muong You, nous débarquâmes sur la rive gauche de la rivière, auprès d’un caravansérail où devaient venir nous rejoindre notre escorte et nos bagages. Ils n’arrivèrent que fort tard dans la soirée : la route, en grande partie détruite par les pluies, avait été fort pénible pour les hommes et les chevaux.

Le lendemain matin, nous nous engageâmes dans le sentier en zig zag qui gravit la chaîne de collines au pied de laquelle nous avions campé. Nous suivîmes pendant toute la matinée une ligne de faîte sinueuse. Nous jouissions de là du panorama varié de chaînes irrégulières, dont les pentes, assez douces, sont couronnées par des villages Does et sillonnées par des routes bien entretenues.

Nous déjeunâmes sur les bords d’un ruisseau à eau vive qui coulait dans la direction du nord : nous avions, encore une fois, changé de bassin. Une descente de plusieurs heures nous amena hors de la région montueuse qui forme la ligne de partage des eaux et nous entrâmes dans une étroite et longue vallée, couverte de cultures et de villages, qu’arrose une jolie rivière, le Nam Nga, qui paraît venir de l’ouest. Nous la traversâmes à gué, en ayant de l’eau jusqu’aux épaules, et nous nous hâtâmes de franchir les rizières qui s’étendent sur ses rives, pour rejoindre la route moins boueuse et plus ombragée qui serpente au pied des collines du flanc gauche de la vallée. La flèche aiguë d’un Tât nous signalait de loin Muong Long, gros bourg de quinze à dix-huit cents âmes, construit sur les bords du Nam Kam, petit affluent du Nam Nga. Un pont en pierre à voûte surbaissée s’élève à l’entrée du village et ses abords étaient ornés jadis de lions sculptés qui gisent aujourd’hui renversés sur le sol. Le pont se continue par une chaussée, pavée avec des briques placées sur champ. Un pareil luxe de viabilité était bien fait pour provoquer notre enthousiasme. À coup sûr ce pont, cette chaussée n’étaient point l’œuvre des Laotiens ;