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Mais le Birman n’entendait point lâcher aussi vite les étrangers qu’il avait réussi à attirer dans ses griffes, et il entassa objections sur objections. La bonne foi du roi finit par s’en irriter profondément. Il envoya trois mandarins pour déclarer au Pou Souc qu’il avait désiré voir les étrangers à Xieng Tong ; que ceux-ci étaient venus, que tout le monde avait pu juger de leur honnêteté, que maintenant ils demandaient à continuer leur route et qu’il n’y avait plus qu’à le leur accorder. Le Birman fit semblant de céder et remit aux envoyés du roi un permis de circulation destiné à M. de Lagrée. Les mandarins, croyant tout arrangé, s’empressèrent de l’apporter au chef de la mission française. Vérification faite, il se trouva que le susdit permis était un passe-port pour circuler à l’intérieur de la province de Muong Yong et que le nom de Muong You n’y était même pas prononcé ! Il fallut revenir à la charge. Le 3 septembre, munis enfin d’un permis en règle, nos compagnons de voyage partirent pour Muong You.

Comme je l’ai dit plus haut, nous quittâmes Muong Yong le 8 septembre. Il y avait plus d’un mois que nous y séjournions. La lettre de M. de Lagrée, sans nous annoncer la fin de toutes nos traverses, faisait entrevoir au moins que notre voyage avait encore quelques chances de réussite, et nous nous mîmes en route, plus joyeux et plus confiants que nous ne l’avions été depuis près de trois mois.

Nous arrivâmes le même jour à Ban Tap, village qui forme la frontière de Muong Yong et qui est situé sur la ligne de partage des eaux du Nam Yong et du Nam Leuï. On jouit de ce point d’une vue fort étendue, et l’on aperçoit encore, sur les flancs de la chaîne qui ferme la plaine du côté du sud, la flèche lointaine du Tât Chom Yong.

Une douane est établie à Ban Tap ; le Birman de Muong Yong m’avait remis, gravé dans le creux d’un bambou, un passe-port en règle pour le fonctionnaire qui y était préposé. Nous n’éprouvâmes donc aucune difficulté à nous installer dans la pagode du village, où se trouvaient un certain nombre de marchands, qui étalaient sur les parvis sacrés les cotonnades anglaises dont ils étaient porteurs.

Le lendemain, nous quittâmes Ban Tap à six heures et demie du matin. La route, très-accidentée, se suspend aux flancs de collines boisées et suit les bords de ruisseaux murmurants à demi cachés sous une épaisse verdure. Rien de frais et de charmant comme les agrestes paysages qui se déroulaient devant nous.

Vers huit heures du matin, nous rejoignîmes le Nam Khon dont nous devions suivre la rive droite jusqu’à peu de distance de Muong You. Un village Doe s’élevait non loin de là et étageait ses étroites rizières sur les pentes des collines. En quelques endroits, on commençait déjà la récolte des riz mûrs.

À partir de ce point notre horizon s’agrandit, les ondulations du terrain devinrent moins brusques, mais aussi moins pittoresques, et nous découvrîmes bientôt la grande plaine à l’extrémité de laquelle s’élève Muong You. À quatre heures, nous franchîmes sur un pont le Nam Khon, à 200 mètres de son confluent avec le Nam Leuï.

Muong You, où nous arrivâmes une heure après, s’étend sur la rive droite du Nam Leuï à l’endroit même où cette rivière se dégage des montagnes pour entrer dans la plaine. Une partie du village est construite au bord de l’eau, l’autre couronne les dernières