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Les Does s’appellent eux-mêmes Hoi-Mang ; ils disent qu’il y a des sauvages de même origine qu’eux et parlant un dialecte voisin du leur, qui habitent les bords de la Salouen. Ils les appellent Hoi-Kun. Au nord-est de Muong Lem, se trouve une agglomération considérable de tribus Lawas, à peu près indépendantes, auxquelles Mac Leod attribue des habitudes guerrières analogues à celles des Peaux-Rouges d’Amérique. Je crois qu’il faut rattacher aux Lawas, les Khas Mi, les Khmous et les Lemet : toutes ces tribus parlent à peu près la même langue et leurs costumes offrent les plus grandes analogies. Les Lawas représentent aux yeux du colonel Yule le type dégénéré de la race mère des Laotiens et des Thai, à l’époque où elle n’avait point été modifiée encore par la civilisation bouddhiste. J’adopterai d’autant plus volontiers cette opinion, que les Does ressemblent aujourd’hui encore beaucoup aux Thai.

Quelques villages Khos se mélangent aux villages Does sur le plateau de Xieng Tong. Le Muong Khay, d’où m’écrivait le commandant de Lagrée, est un grand village laotien habité en grande partie par des Lus venus de Muong Ham, et qui avaient fui le pays depuis les dernières guerres entre Muong Phong et les Chip song Panna, ou « les douze Muongs », nom sous lequel on désigne quelquefois le royaume de Xieng Hong. Muong Ham, l’une de ces douze provinces, avait à cette époque plus de quatre mille habitants inscrits ; elle n’en a plus guère aujourd’hui que trois cents.

Le commandant de Lagrée terminait sa lettre en m’annonçant pour le 30 au soir une nouvelle missive écrite de Xieng Tong.

Cette promesse nous fit prendre patience. Malgré les pluies, nous fîmes quelques excursions aux environs de Muong Yong ; à trois ou quatre kilomètres dans le nord se trouvent des sources d’eau chaude que nous allâmes visiter ; elles sont situées auprès d’un grand et beau village où nous fûmes tout étonnés de trouver un marché quotidien et un grand nombre de colporteurs pégouans et birmans vendant des étoffes et des objets venus de Xieng Mai. Il y avait là abondance de toutes choses, alors qu’au chef-lieu du district, à Muong Yong, on avait souvent peine à se procurer le nécessaire à des prix exorbitants. Tel était le résultat de la présence en ce dernier lieu de l’agent birman et des prélèvements qu’il opérait sur les vendeurs.

Le 26 août, le Birman me fit appeler : il avait reçu une lettre de Xieng Tong, qui l’informait que l’autorisation de passer nous était accordée. Je laisse à penser si nous entrevîmes avec satisfaction la fin de notre immobilité forcée et la reprise de notre voyage. J’étais étonné cependant de ne point recevoir une lettre du commandant confirmant cette bonne nouvelle. Le 30 août, date fixée pour l’arrivée de cette lettre, se passa sans rien apporter. Notre attente se prolongea ainsi jusqu’au 6 septembre, prenant chaque jour un caractère de plus en plus pénible. M. de Lagrée était-il malade ? Dans ce cas pourquoi le docteur Thorel ne nous donnait-il point de ses nouvelles ? Nos perplexités plus que justifiées par un retard d’une semaine, allaient d’une hypothèse à l’autre ; dans l’ignorance absolue où nous étions de ce qui s’était passé à Xieng Tong, et de l’accueil qu’y avait rencontré le chef de l’expédition, toutes les suppositions étaient vraisemblables. Le bruit courait dans le pays que vingt-huit hommes envoyés par le roi de Xieng Tong pour vendre