Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/419

Cette page a été validée par deux contributeurs.

minées entre Tenasserim et les sources de la Sitang[1]. En langue mou-tse et kouy, un homme se dit Ho-ka ; en langue kho, il se dit Ka-siya. Il est probable que l’on retrouve là l’étymologie de l’appellation générique de Khas, que les Laotiens donnent à toutes ces populations.

J’ignore si les Kouys des frontières de la Chine ont autre chose de commun que le nom avec les Kouys qui habitent les montagnes du Cambodge et dont je n’ai jamais vu aucun spécimen.

Le soir même de la fête, le commandant de Lagrée reçut une nouvelle lettre du roi de Xieng Tong ; elle lui avait été adressée à Muong Lim et avait neuf jours de date. Ce prince engageait le chef de l’expédition française à venir se reposer à Xieng Tong. Muong Lim, écrivait-il, est un mauvais village dans lequel des étrangers de distinction ne peuvent recevoir un accueil convenable. Le mandarin birman était d’accord avec le souverain laotien pour autoriser ce déplacement.

Quel pouvait être le but de cette invitation ? Sans doute une satisfaction de curiosité et d’amour-propre, et le désir de la part du Birman de rattraper les cadeaux qui lui avaient fait défaut une première fois. Ce détour à l’ouest allait allonger notre voyage outre mesure et porter une rude atteinte à notre bourse. Le commandant de Lagrée résolut de l’éviter et de ne considérer cette invitation que comme une offre de pure courtoisie, qui se pouvait décliner sans manquer à la déférence due à ses auteurs. Il répondit dans ce sens.

Le surlendemain 18, nous reçûmes une réponse favorable du roi de Muong You ou Xieng Kheng : à son tour, il nous autorisait à traverser son petit royaume. Malgré l’état sanitaire de l’expédition, qui continuait à être déplorable, le commandant de Lagrée se mit immédiatement en quête de porteurs ; le mouvement valait mieux que la prolongation d’une inaction qui exerçait une fâcheuse influence sur notre moral. Un mieux sensible se produisait dans l’état du docteur Joubert, qui nous avait donné de graves inquiétudes pendant quelques jours, et qui avait été atteint d’une fièvre d’un caractère à la fois typhoïde et bilieux. Les blessures au pied de M. Delaporte se remettaient lentement ; il fallait cependant renoncer à faire exécuter une marche immédiate à ces deux officiers et à deux Annamites, pris également par les pieds ; nous devions nous résigner à les laisser quelques jours encore à Siemlap. Mais il y avait avantage à ce que le reste de l’expédition se remit immédiatement en route.

Le gouverneur de Siemlap, adonné à l’opium plus qu’à ses devoirs, et fort mal disposé pour nous, fit répondre aux premières avances du commandant que le temps était devenu trop mauvais, et que les pluies étaient trop abondantes pour qu’il fût possible de continuer notre voyage. Les chemins étaient détestables, les torrents débordés ; quant au fleuve, il était devenu trop rapide, et d’ailleurs, l’unique barque du muong était employée à transporter les marchands et les voyageurs d’une rive à l’autre et on ne pouvait la distraire de ce service. Enfin, le moment du repiquage des riz était arrivé, et les

  1. Voy. Brown, Comparison of Indo-Chinese languages, J. A. S. B., t. VI, p. 1023 et suiv. ; Yule, Mission to the Court of Ava, p. 294-295 ; Mason, Burmah, its people and natural productions, p. 92-98.