Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/410

Cette page a été validée par deux contributeurs.
369
MUONG LIM, KHAS MOU-TSE.

de coquilles et de sapèques chinois enfilés sur des cordons. Les hommes portent le turban, un pantalon large et court, et une veste à boutons d’argent. Le costume des deux sexes se complète par une sorte de manteau en feuilles ayant la forme d’un livre à moitié ouvert, qui est attaché au cou et qu’on ramène sur la tête quand il pleut, en guise d’abri volant. Quand les femmes portent des fardeaux, elles ajoutent à leur costume, déjà si compliqué, un plateau en bois qui se place sur les épaules, en offrant au cou une échancrure suffisante, et auquel on accroche la hotte qui contient les objets à transporter. Ce plateau est retenu en avant par des cordes que l’on attache à la ceinture ou que l’on tient à la main.

Quelques-uns de ces sauvages portent les cheveux longs, mais tressés en forme de queue, à l’instar des Chinois. Leur langue diffère profondément du laotien ; elle a des sons durs et sifflants qui la font distinguer très-facilement des autres langues de l’Indo-Chine septentrionale. Les Mou-tse ont des chefs spéciaux, sont très-superstitieux et peu communicatifs. Ils viennent, disent-ils, du nord, au delà de Muong Lem, de Ouei-yuen, dans le Yun-nan, d’après Mac Leod[1]. Ce voyageur ajoute, d’après des renseignements qui lui ont été donnés à Xieng Tong, que les Mou-tse enterrent leurs morts, au lieu de les brûler comme les Laotiens, et qu’ils adorent les esprits. La polygamie n’est permise chez eux qu’autant que la première femme est stérile. Ils n’ont pas d’écriture, quelques-uns d’entre eux peuvent écrire le chinois. Le colonel Yule[2] suggère, d’après la ressemblance du nom, que les Mou-tse appartiennent à la même race que les Miao-tse, qui vivent presque indépendants des Chinois dans les montagnes du Kouy-tcheou. Les dix ou douze mots que nous avons pu recueillir de la langue parlée par chacune de ces deux tribus diffèrent très-sensiblement[3].

Le 28 juin, le gouverneur de Muong Lim vint communiquer au commandant de Lagrée la réponse de Xieng Tong. Elle était favorable. Le roi de Khemarata et de Toungkaboury nous autorisait à louer des hommes et des barques sur son territoire, et à continuer notre route par la vallée du fleuve ; il nous prévenait que, dans le cas où nous désirerions aller à Xieng Tong, il serait nécessaire de demander une nouvelle autorisation. Cette lettre était écrite en caractères lus et commençait par une énumération de titres excessivement longue. Elle rappelait cependant que le royaume de Xieng Tong ou de Khemarata était tributaire du Muong Kham-Angva (le Muong d’Or : Ava).

Le messager nous donna quelques intéressants détails sur les débats que notre demande avait suscités dans le conseil royal. Il était resté quatre jours à Xieng Tong, pendant lesquels on l’avait constamment renvoyé du premier roi au second roi et de celui-ci au chef birman, chargé de représenter auprès du souverain indigène l’influence de la cour d’Ava. Ce fonctionnaire, dont le commandant de Lagrée ignorait l’existence, avait sans doute été vexé de ce que, parmi les cadeaux envoyés par le chef de la Mission française, aucun ne lui avait été destiné, et il avait fait une vive opposition à l’autorisation de passage qui nous avait été accordée. Le messager avait essayé de disculper le commandant de

  1. Voy. son journal dans les Parliamentary papers pour 1869, p. 58 et 60.
  2. Mission to the court of Ava, p. 295.
  3. Voyez les vocabulaires donnés à la fin du second volume.