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DE LUANG PRABANG À MUONG YONG.

quentes au Laos, ou pour jouir des illuminations à l’aide desquelles les indigènes savent rehausser l’éclat de leurs nuits tropicales. À quelque distance de là, les eaux noires et calmes du Nam Hou se mélangent aux eaux jaunâtres du Cambodge, et la ligne de démarcation qui les sépare s’éloigne ou se rapproche de l’embouchure de la rivière, suivant le rapport variable de la vitesse des deux courants. Vis-à-vis de nous, sur la rive gauche, un banc de sable tranche vivement, par sa teinte dorée, sur la couleur sombre des roches avoisinantes, derrière lesquelles le soleil a déjà disparu, et dont les cimes s’élèvent noires sur un ciel rouge.


ENTRÉE DE LA GROTTE DU NAM HOU.

Après avoir joui un instant de ce spectacle, nous entrâmes dans la grotte[1]. Des Bouddhas de toutes dimensions sont échelonnés dans tous ses recoins ; des fleurs, des banderoles, des parasols, des ex-voto de toute nature en décorent les autels. La lueur des torches faisait vaciller de grandes ombres dans les profondeurs de ce temple naturel, et grimacer la figure ordinairement si placide du prophète de Kapilavastou. Malgré l’originalité de cette décoration religieuse, je me demandais si elle ne rapetissait point la sauvage grandeur de cette caverne, et si l’éclat des stalactites n’eût point été préférable aux dorures effacées et aux couleurs, ternies par l’humidité, des colifichets bouddhistes. Ce sont surtout les voyageurs et les bateliers du fleuve qui forment la pieuse clientèle de la grotte ; les prêtres qui la desservent et qui habitent sur la rive opposée, au village de Pak Hou, ne manquent jamais de fleurs ou d’offrandes. À l’époque des hautes eaux, le fleuve vient affleurer l’entrée même de la grotte. En 1856, une crue exceptionnelle l’inonda en partie, et les habitants ont indiqué la hauteur à laquelle l’eau s’éleva, par une

  1. Voy. Atlas, 2e partie, pl. XXVIII.