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récemment disputée entre la Birmanie et Siam, et qui était par conséquent dévastée, et à passer sur le territoire birman. Or, nous n’avions pas de passe-ports de la cour d’Ava ; nous devions donc prévoir de ce côté les plus sérieuses difficultés.

La seconde route était la plus directe : elle consistait à remonter droit au nord le cours du Nam Hou, affluent de la rive gauche du Cambodge, et à atteindre directement les frontières du Yun-nan, auquel Luang-Prabang est à peu près limitrophe dans cette direction, et où nous pouvions retrouver le fleuve que nous étions chargés d’explorer.

La troisième route nous conduisait jusqu’au Kouang-si, en traversant la zone, occupée par des tribus mixtes, qui sépare le Tong-king de la Chine.

Ce dernier trajet, peut-être moins dangereux que les deux autres, nous écartait complètement du but officiel de notre mission, qui était la reconnaissance de la vallée du Mékong, mais il nous faisait visiter la région la moins connue encore de toute l’Indo-Chine, et vraisemblablement la plus curieuse au point de vue géographique. Quel que fût son attrait, nous devions nous contenter de l’indiquer aux explorateurs qui viendraient plus tard compléter notre œuvre.

La discussion restait ouverte entre les deux premières routes, la route du fleuve et celle du Nam Hou. Le commandant de Lagrée penchait visiblement pour la seconde. Je plaidai vivement auprès de lui la cause de la première ; notre travail géographique m’aurait paru moins intéressant et moins complet s’il n’avait compris le relevé entier du cours du fleuve, que nous espérions encore à ce moment remonter jusque dans sa partie tibétaine.

Après de longues hésitations, le commandant de Lagrée s’arrêta à la route du fleuve et de nouveaux renseignements le déterminèrent à partir le plus tôt possible. L’état des contrées au nord-ouest de Luang Prabang semblait moins fâcheux qu’il ne nous avait été dépeint tout d’abord. Il paraissait y avoir presque partout un apaisement réel, et ce résultat était dû à la compression de la révolte des mahométans par le vice-roi du Yun-nan, sur toute l’étendue des frontières sud de cette province. M. de Lagrée fixa au 25 mai la date de notre départ, et demanda au roi les embarcations nécessaires. L’autorité de Luang Prabang cessait, en remontant le Mékong, à Xieng Khong, point où M. Duyshart avait rejoint le fleuve en venant de Bankok, et qui dépendait de Muong Nan. C’était donc jusque-là, c’est-à-dire jusqu’à une distance de huit à dix jours de marche, que les autorités locales avaient à nous fournir des moyens de transport. Nous ignorions quel accueil nous ferait le gouverneur de Xieng Khong, et si la route du fleuve, la plus commode et la moins coûteuse pour le transport de nos bagages, était longtemps praticable en amont de cette ville. Il était donc prudent de nous préparer à toute éventualité. Le commandant de Lagrée était résolu, s’il rencontrait la moindre difficulté de la part des autorités de Muong Nan, à passer sur la rive gauche du fleuve et à se diriger vers le nord-est, en traversant le territoire de Luang Prabang et en utilisant le passe-port que lui avait donné le roi en cette prévision. Cette éventualité de trajet par terre nous conseillait de nous alléger le plus possible, en raison de la difficulté de trouver des porteurs, et de la nécessité de les payer d’autant plus chèrement que la saison où nous entrions était plus mauvaise. Chaque officier dut réduire ses effets, de façon à n’avoir qu’une seule