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Tout en affectant des formes cérémonieuses aussi exagérées que celles que l’on trouve à Siam et en Chine, l’étiquette laotienne est au fond très-paternelle. En présence du gouverneur, qu’il ait ou non le titre de roi, les assistants accroupis contre le sol, tout en se prosternant très-bas chaque fois qu’ils lui adressent la parole, ne se gênent nullement pour rire, fumer, causer bruyamment et troubler l’audience. Le dernier venu prend la parole avec autant de hardiesse que le premier mandarin. C’est là sans doute l’un des vestiges de l’ancienne organisation de la race laotienne en tribus ou en clans à chefs électifs, et le plus ou moins de popularité des gouverneurs est un indice consulté avec soin par Bankok, lorsqu’il y a lieu de pourvoir à une place vacante. Malgré cette simplicité d’allures, les distinctions de rang et de naissance sont scrupuleusement observées au Laos. Il y a des lois somptuaires qui interdisent le port de certaines étoffes ou de certains bijoux aux gens du commun. Le nombre des personnes de la suite des princes, les ustensiles d’or ou d’argent que l’on porte derrière eux, la forme même du parasol qui les abrite, sont fixés avec soin et en rapport avec les titres ou les fonctions dont ils sont revêtus.

Au point de vue de l’impôt, la population peut se décomposer en quatre catégories distinctes :

1o Les mandarins, leur famille, leurs esclaves. Cette catégorie, qui ne paye aucun tribut et qui est dispensée de toute corvée, forme dans les petites provinces le cinquième de la population totale ; dans les grandes provinces, elle en est à peine le dixième.

2o Les inscrits, c’est-à-dire, les personnes payant l’impôt. Il en est fait un dénombrement exact, dont on transmet le résultat à Bankok. La confection des listes est surveillée par des mandarins siamois ; les inscrits sont marqués au bras d’un tatouage portant le nom de leur province. On est inscrit à partir de dix-huit ans, on cesse de l’être à soixante-dix. L’impôt est ordinairement de 4 ticaux et demi par homme, c’est-à-dire environ 15 francs de notre monnaie, mais il varie avec les provinces ; il n’y a pas d’impôt territorial ; les inscrits doivent subvenir aux corvées locales et fournir deux piculs de riz par an au gouverneur de la province.

3o Les Chinois, Pégouans et autres étrangers, ne payent pas d’impôt et ne fournissent qu’un picul de riz, mais ils sont soumis à certaines charges laissées à l’arbitraire des gouverneurs. L’usage veut qu’ils subviennent aux frais de passage des mandarins siamois et aux dépenses que nécessitent les fêtes locales.

4o Les sauvages soumis, dont le nombre est souvent inconnu des gouverneurs eux-mêmes. Ils payent par village un impôt variable, qui consiste tantôt en esclaves, tantôt en denrées, tantôt en argent. Dans ce dernier cas, il est fixé à un tical par homme. Les villages les plus rapprochés sont soumis aux corvées.

L’impôt prélevé par les Birmans dans le nord du Laos varie de 4 à 7 ticaux par maison. L’impôt chinois est plus faible.

J’ai déjà indiqué (Voy. ci-dessus p. 171) quelles étaient les monnaies divisionnaires employées dans la partie inférieure du Laos. La monnaie de fer de Stung Treng n’a cours que dans cette province et dans les provinces limitrophes ; les petits saumons de cuivre de Bassac se retrouvent avec des dimensions et des cours variables dans toute la partie