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Les toits ne descendent plus aussi bas ; les murailles sont en planches et l’on y ménage de petites fenêtres en ogive à encadrement sculpté. L’ensemble de l’habitation forme souvent une longue enfilade de cases, réunies par des terrasses, où l’on trouve successivement la salle de réception et d’audience, l’appartement des femmes, le logement des esclaves, et enfin le sanctuaire, tenu hermétiquement fermé à l’abri des regards profanes, qui renferme les dieux et les trésors de la famille.

Les habitations un peu grandes sont toujours précédées d’une cour et une forte palissade en enclôt les dépendances. Parmi ces dernières, il faut citer le magasin à riz, petite construction de 3 mètres de long sur 2 mètres de large, dont les murailles sont lutées avec de l’argile ; il contient environ 8 à 10 mètres cubes de riz : c’est l’approvisionnement de la famille, d’une récolte à l’autre.

Le terrain qui entoure l’habitation est planté de manguiers, de cocotiers, d’aréquiers, de tamariniers, etc. Le jardinage est fort borné ; quelques potirons, du piment, des aubergines, quelques pieds de bétel et quelques fleurs d’ornement en font tous les frais. Le terrain de chaque famille a 40 ou 50 mètres dans le sens du fleuve, sur 60 à 80 mètres en profondeur.

L’ameublement est des plus simples ; le plancher est recouvert de nattes sur lesquelles on s’accroupit auprès d’un coussin. Dans la salle de réception des mandarins, il y a souvent une plate-forme, élevée de 30 à 40 centimètres au-dessus du plancher. Des lances ou des fusils à pierre, rangés le long de la muraille dans des râteliers en bois, quelques tentures, masquant une porte ou un couloir, des filets de chasse ou de pêche, parfois une ou deux cages d’éléphant, complètent le mobilier des plus riches seigneurs de la contrée.

Les ustensiles domestiques sont nombreux : il en est d’un usage général que l’on trouve dans la maison du plus pauvre comme dans celle du plus riche. Tel est le plateau à bétel qui contient les feuilles fraîches de cette plante, les noix d’arec, l’étui à chaux et le tabac, ensemble des condiments indispensables à la formation de la chique, qui est en usage chez tous les peuples de l’Indo-Chine, et qui leur fait ces dents noires et ces lèvres sanguinolentes, dont le premier aspect est si repoussant. Un petit bâton sert à étendre la chaux sur la feuille de bétel ; des ciseaux à ressort toujours bien aiguisés, aident à découper l’arec en rondelles minces ; parfois on met dans un tube en bronze tous ces divers ingrédients, et une fille respectueuse les broie longuement avec un pilon en fer, avant de les présenter au vieillard, chef de la famille, dont les dents branlantes se refusent à ce service. Sur un autre plateau en métal s’étalent les cigarettes, qui jouent le rôle le plus important dans l’hospitalité laotienne. Un crachoir est toujours mis à la portée des chiqueurs et des fumeurs. Les gens aisés offrent après la cigarette une tasse de thé, et les théières, les crachoirs, les boites diverses sont en argent, en or même, chez les grands personnages.

Les ustensiles de table sont presque tous empruntés aux Chinois. On range sur un grand plateau en cuivre ou en bois, tous les bols en faïence ou en porcelaine, qui contiennent le poisson, les viandes et les condiments. Des bols un peu plus grands ou de petits paniers en bambou, de formes souvent élégantes, sont placés, remplis de riz, à côté de chacun des convives. Ceux-ci puisent tour à tour avec leurs baguettes dans les diffé-