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dans toute la partie de la vallée du fleuve comprise entre le Cambodge et Luang Prabang.

Le rameau particulier qui habite cette dernière zone se désigne lui-même sous le nom de Lao ; le nom de Thai, qui répond au mot vir des Latins, est celui que se donnent presque toutes les autres branches de la même race. Les Siamois s’appellent Thai noi ou « petits Thai » ; les gens de Xieng Mai, les Thai niaï ou les « grands Thai ». Plus au nord, les Thai qui habitent la principauté de Xieng Tong ou de Muong Kun s’appellent Kun, alors que leurs voisins de Xieng Hong prennent le nom de Lu. Les Thai des provinces situées sur les bords de la Salouen se nomment Phong. Les Thai neua ou « Thai d’en dessus » se rencontrent à l’est du Yun-nan ; enfin, dans une foule de provinces, on ajoute au mot Thai le nom de la province elle-même pour en désigner les habitants. C’est ainsi qu’on dit les Thai Lem, les Thai Ya, etc.

Les détails qui vont suivre s’appliquent surtout aux Laotiens qui étaient, avant le voyage de la Commission française, le moins connu des rameaux de la race thai. J’indiquerai, soit dans ce chapitre, soit dans le cours du récit, les différences essentielles qui le séparent des rameaux voisins.

Dans toute la vallée du Cambodge, les grands centres de population comme les plus petits villages, se composent de longues séries de maisons parallèles au fleuve, très-distancées en général et entourées de jardins ; aussi n’est-il pas rare de les voir occuper plus d’une lieue, le long de la berge. Au fur et à mesure qu’on s’éloigne de la rive, le terrain s’affaisse peu à peu et les rizières apparaissent ; de nombreux canaux, dont la plupart ne sont que des crevasses naturelles du sol, les font communiquer avec le fleuve, dont ils répandent les eaux fort au loin dans l’intérieur.

Le bambou, le rotin et le bois, sont les seuls matériaux employés dans la construction des habitations[1] ; elles sont toutes élevées au-dessus du sol, d’une hauteur qui dépasse rarement 2 mètres, par deux ou trois rangées de colonnes en bois dur. Le cloisonnage intérieur et les murailles sont faits avec des bambous jeunes, écrasés, puis tressés. La plus grande longueur des maisons est ordinairement dans le sens du fleuve ; elle comporte quatre ou six rangs de colonnes, ce qui donne à l’intérieur trois ou cinq compartiments. Cette dernière règle paraît absolue. Les toits sont recouverts en paille, très-inclinés, et ils descendent très-bas, pour abriter l’intérieur de la case du soleil et de la pluie. En général, une habitation confortable se compose de deux maisons parallèles, séparées quelquefois par une petite terrasse. L’une des maisons sert au maître, l’autre aux esclaves ; la terrasse est une sorte de vestibule de communication : on y reçoit, on y traite les affaires. Le dessous de la maison sert de remise pour les chars, les instruments de travail et de pêche ; les femmes y établissent leurs métiers à tisser.

Les gens pauvres se réduisent à une seule maison à laquelle ils ajoutent une petite terrasse au-dessus de laquelle le toit vient se prolonger. Les demeures des gens riches ou des mandarins offrent souvent un degré remarquable de solidité et d’élégance. Leur charpente, faite en beau bois d’ébénisterie, est assemblée avec la plus grande précision.

  1. Voyez Atlas, 2e partie, pl. XVII, une habitation laotienne.