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dans une zone plus tempérée, où les fruits et les arbustes de l’Asie centrale peuvent croître et se développer.

C’est dans la partie méridionale de la ville que s’élève le palais du roi, énorme entassement de cases, entouré d’une haute et forte palissade, et formant un rectangle dont un des côtés est contigu à la base de la colline centrale, qui est en cet endroit presque à pic. Un escalier de plusieurs centaines de marches est pratiqué dans le roc et conduit directement à la pyramide sacrée qui en couronne le sommet. Un marché quotidien et excessivement animé se tient sous des hangars spéciaux près du confluent du Nam Kan et du Cambodge ; mais tous les marchands sont loin de pouvoir y trouver place, et les échoppes en plein vent se prolongent encore pendant plus d’un kilomètre le long d’une grande rue parallèle au fleuve. C’était la première fois depuis notre départ de Pnom Penh que nous trouvions un marché dans le sens que l’on est habitué en Europe à donner à ce mot[1].

Cette activité subite, ce commerce devenu relativement considérable, si on en jugeait par les types nombreux et divers qui représentaient à Luang Prabang toutes les nations de l’Indo-Chine et de l’Inde, accusaient, évidemment, moins un changement de race ou une augmentation des produits du sol, qu’une différence radicale dans le régime politique. Plus riches et plus commerçantes encore avaient été les régions du Laos méridional au temps de leur indépendance ; l’oppression et le monopole siamois, en faisant aux vainqueurs une trop large part dans les bénéfices, ont seuls dégoûté les vaincus d’un travail devenu stérile et d’échanges qui se trouvent ruineux. À Luang Prabang, si la vie renaissait, C’est que la sujétion siamoise ne devait comporter que des charges légères et que l’on sentait à Bankok quels ménagements étaient dus à cette puissante province.

À l’instar de Siam, il y a à Luang Prabang un premier et un second roi. Ce dernier était parti pour Bankok, et son retour était attendu dans un mois environ. Nous espérions vaguement que le consul de France profiterait de cette occasion pour nous faire parvenir quelques lettres. Notre première préoccupation devait être d’entrer en relations officielles avec les autorités de la ville, d’en obtenir des renseignements sur l’état des pays voisins et sur les difficultés qui nous y attendaient, de savoir si nous pourrions compter sur la bonne volonté du roi pour les vaincre. Ce n’est qu’après avoir éclairci tous ces points qu’il était possible de fixer la durée de notre séjour et l’étendue des travaux à entreprendre à Luang Prabang. Aussi le commandant de Lagrée entra-t-il immédiatement en pourparlers avec les délégués du Sena pour demander au roi une audience, en fixer le jour et en régler le cérémonial.



  1. Voy. Atlas, 2e partie, pl. XXVI.