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SANIABOURY.

triple ligne de sommets ; quelques petites collines se montrèrent en même temps sur la rive droite. Le 18 mars au soir, nous nous arrêtions au pied des premiers contre-forts de Phou Ngou. Quelques villages de nouvelle formation s’élevaient sur la rive gauche ; ils étageaient leurs rizières sur les dernières pentes de la montagne. Ils dépendaient du gouverneur de Houtén, quoiqu’ils ne se trouvassent point sur son territoire. Au Laos, l’impôt est basé sur le nombre des habitants inscrits, et ceux-ci ne sont autorisés à se déplacer pour aller chercher au loin des terres plus fertiles, qu’en conservant l’attache de la province sur les registres de laquelle ils figurent. Aussi n’est-il pas rare de trouver, à côté les uns des autres, des villages relevant d’autorités très-différentes et souvent fort éloignées.


EMBOUCHURE DE NAM KDIN.

Les petites chaînes, détachées du massif principal de Phou Ngou, au pied desquelles nous nous trouvions, couraient parallèlement au fleuve, dont la direction depuis Saniaboury s’était relevée au N.-N.-O. Nous ne pouvions douter que ce ne fussent là des ramifications de la grande chaîne de Cochinchine, et nous n’allions pas tarder sans doute à trouver des indices du voisinage des Annamites ; mais, dès le lendemain, à partir de l’embouchure d’une jolie rivière, appelée Nam Kdin[1], dont la vallée, d’une apparence pittoresque, semblait se diriger au N.-O., le fleuve tourna brusquement à l’ouest entre deux berges devenues plus hautes, désertes et très-boisées, et le long desquelles les traces des animaux sauvages, troupeaux de buffles et d’éléphants surtout, se montraient fort nombreuses. Nous trouvâmes même un cerf abattu par un tigre et laissé presque intact sur la berge. Ce fut pour nous une excellente aubaine, et nous vécûmes pendant deux jours des reliefs de Monseigneur le tigre, comme l’appellent les Annamites.

Quelques blocs de grès réapparurent dans le lit du fleuve, légèrement rétréci, et formèrent, à certains coudes, de petits rapides très-facilement franchissables en toute saison. À l’un d’eux, nommé Keng Sdoc, je ne trouvai que 4 mètres de fond maximum.

  1. Nam, qui, en laotien comme en siamois, veut dire eau, remplace, dans la partie moyenne et supérieure du Laos, le mot Se, usité, dans le Laos inférieur, pour désigner une rivière.