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soit un pays annamite. La chronique se continue par la liste des princes qui ont contribué à l’entretien ou à l’embellissement du monument ou qui ont régné sur le pays de Peunom. Il en sera de nouveau question dans la partie historique de cet ouvrage.

Le Se Bangfay, qui se jette dans le fleuve vis-à-vis de Peunom, prend, dit-on, sa source dans un lac appelé Nong Makang et traverse sous une voûte naturelle Phou Sommang, montagne située à mi-distance du Cambodge et de la grande chaîne de Cochinchine.

La Commission quitta Peunom le 24 février et continua sa route vers Lakon, important chef-lieu de province, situé, comme tous ceux que nous devions rencontrer dans le Laos siamois, sur la rive gauche du fleuve. Le Muong ou la résidence du gouverneur, se trouvait autrefois sur la rive opposée, un peu en aval de l’emplacement actuel, et l’on y retrouve encore quelques vestiges intéressants. Vis-à-vis Lakon, surgit un groupe de montagnes calcaires dont les crêtes, bizarrement découpées, tranchent vivement sur l’azur du ciel. Ce massif présente cela de particulier qu’il n’est annoncé au milieu de la plaine par aucune ondulation de terrain. Sous la puissante impulsion de quelque force souterraine, les rochers de marbre qui le composent ont traversé le sol sans l’infléchir, et se sont entassés les uns sur les autres de la façon la plus étrange. Deux membres de la Commission, M. Joubert et M. Thorel, allèrent visiter ces singulières montagnes au milieu desquelles se trouvent des grottes profondes, des cirques naturels, formés par des murailles de marbre ayant des centaines de mètres de hauteur verticale, des aiguilles calcaires, surgissant comme des colonnes au milieu de la plaine et ressemblant de loin aux ruines gigantesques de quelque temple pélasgique.

Un immense banc de sable s’étend devant Lakon. Le lit du fleuve a en ce point 836 mètres de large, mais les eaux n’occupent, à la fin de la saison sèche, que la moitié environ de cet espace (480 mètres). La plus grande profondeur se trouve le long de la rive gauche, elle est de 10 mètres ; la profondeur moyenne est de 5m,68. Le courant parcourt à la surface 0m,66 par seconde.

La Commission trouva à Lakon une colonie annamite assez nombreuse, qui avait émigré de la province de Nghe-an, à la suite des guerres qui ont désolé le Tong-king. La route que ces émigrants avaient suivie pour venir du Nghe-an, traverse une région assez montagneuse, qu’il serait intéressant d’explorer afin de reconnaître si elle n’offre aucune difficulté insurmontable à l’établissement de relations commerciales directes entre les côtes de la Cochinchine et la vallée du Cambodge. Lakon ne se trouve qu’à trente-cinq lieues marines de la côte de la province annamite de Quang-binh, le long de laquelle il y a de bons mouillages, et les obstacles de navigation, que présente la partie inférieure du fleuve, doivent faire songer à substituer à la route fluviale le cabotage actif qui relie le port de Saïgon aux différents points de la côte cochinchinoise. Je donnerai dans le chapitre suivant les quelques renseignements que nous ont laissés les missionnaires sur la contrée très-peu connue qui sépare du Laos la Cochinchine et le Tong-king.

La formation calcaire qui a fait irruption d’une façon si pittoresque sur la rive gauche du Cambodge vis-à-vis de Lakon, donne lieu à une fabrication de chaux qui constitue pour toute la contrée une industrie assez importante. Toutes les provinces voisines viennent