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pable et mondaine à laquelle il s’était ensuite abandonné au Cambodge, se résolut, à Peunom, à une expiation méritoire. Après quelques jours passés en prières, M. de Lagrée le vit revenir à lui, pâle, mais la physionomie rayonnante ; il s’était coupé en l’honneur de Bouddha la première phalange de l’index de la main gauche.

La chronique du Tât de Peunom lui attribue les plus célèbres et les plus puissants fondateurs. En voici le résumé : « Huit années sept mois douze jours après l’entrée de Bouddha dans le Nirvana, Maha Phacasop et cinq cents saints apportèrent une relique de Sammonocodon qu’ils déposèrent sous un Pouchrey (Ficus religiosa). Les princes de Souvana Phikarat, Khamdeng, Enthapat, Chounrakni Phoumatat, et Nanthasin, convoquèrent leurs peuples pour élever aussitôt un monument. Chacun d’eux fit dans la terre un trou de deux coudées de profondeur et de deux brasses de côté. Les mandarins et le peuple vinrent creuser à leur tour. On fit ensuite des briques de la grandeur de la main de Phacasop. Phya Chounrakni plaça sous la relique 5,550 barres d’argent ; chacune d’elles pesait 64 ticaux, il y ajouta 550 barres d’or dont chacune avait le poids de 48 ticaux. Ces barres furent mises à l’ouest. Phya Enthapat donna 9,999,900 phé[1] d’argent et 33,300 phé d’or ; avec cet or, on fit une petite barque. Le tout fut placé au sud. Phya Khamdeng plaça au milieu un crachoir, une couronne et une boîte en or pesant 140 livres, neuf plateaux en or pesant 38 livres ; neuf plateaux et un vase en argent pesant 200 livres. »

« Phacasop ordonna aux cinq princes de faire trois fois le tour du monument en répandant une eau parfumée. Chacun d’eux dut ensuite élever, chacun de son côté, le monument d’une brasse. Phacasop l’éleva ensuite de deux brasses[2], et l’on fît brûler tout autour pendant trois jours et trois nuits des bois odorants pour durcir les briques. On étendit alors des étoffes appelées Kampala sur les objets d’or et d’argent, et les reliques vinrent s’y placer d’elles-mêmes. Les cinq princes envoyèrent chercher une pierre au pays de Kousinarai (Kousinagara où mourut Sammonocodon), destinée au côté nord du monument, une autre à Purean nosey (Bénarès), destinée au côté sud, une autre à Lanka, destinée au côté sud-ouest ; une dernière à Takasila, destinée au côté nord-ouest. »

« Phacasop et les 500 saints firent ensuite trois fois le tour du monument ; les cinq princes répétèrent après eux la même cérémonie. Ils prièrent pour que leurs présents furent agréés et restassent 5,000 ans à la même place. Phya Souvana et Phya Khamdeng demandèrent en outre de devenir après leur mort deux bonzes unis comme deux frères ; et comme Phya Enthapat et Phya Chounrakni s’étonnaient de cette prière, ils leur répondirent que chacun était libre de les imiter. Phacasop et les saints bénirent les princes et partirent pour le pays de Reacheacru. »

« Les cinq princes préposèrent 500 hommes à la garde du monument. »

Il est assez difficile de décider quels sont les royaumes dont il est parlé dans la chronique. On sait qu’Enthapat est le Cambodge ; la tradition veut que Chounrakni Phoumatat

  1. Petite monnaie qui a cessé d’être usitée au Cambodge depuis longtemps et qui est probablement équivalente à celle qui porte le même nom en Birmanie et dont le poids est environ d’un gramme.
  2. Voyez sur ces élévations successives des dagobas bouddhistes, Yule, Mission to the court of Ava, p. 51. Il est intéressant de comparer cette chronique avec celle de Choué Madoue. J. A. S., 1867, partie II, p. 109 et suiv.