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APERÇU HISTORIQUE

se répandre en Indo-Chine. En 1581, des missionnaires espagnols s’introduisirent en Cochinchine, à Siam et au Cambodge. Ils avaient été précédés dans ce dernier royaume par le religieux portugais Gaspar da Cruz qui s’y rendit de Malaca vers 1560, mais qui n’y fit pas un long séjour. Quelques années plus tard, le dominicain Alonzo Ximenez paraît avoir joui d’une grande influence à la cour d’Apramlangara, roi du Cambodge, qui avait sollicité et obtenu le secours des Espagnols contre un de ses neveux révolté. Celui-ci l’ayant emporté un instant, Apramlangara avait été obligé de fuir dans le Laos, où deux Espagnols, Rlas Ruiz et Diego Reloso, débarqués sur les côtes de Cochinchine, avaient été le rejoindre (1596). C’est la première mention précise que l’on rencontre d’Européens ayant pénétré dans le royaume du Laos. Ces deux aventuriers, depuis fort longtemps dans le pays, avaient épousé des femmes indigènes, et l’un d’eux, Blas Ruiz, était resté quelque temps esclave dans le Tsiampa. Luiz Perez de Las Marinas, gouverneur de Manille, puis dominicain, et Juan Xuarez Gallinato jouèrent également un rôle actif dans cette guerre dont Ribadeneyra et Christoval de Jaque nous ont laissé le récit. Ces deux auteurs sont les premiers qui aient décrit les ruines d’Angcor, découvertes en 1570 dans l’intérieur du Cambodge.

Pour donner une idée de la confusion géographique qui continue à régner dans les idées des voyageurs de cette époque, nous citerons l’opinion de Christoval de Jaque, qui dit que « chacun des royaumes du Cambodge, du Pégou et de Rachon (Aracan) est arrosé par un bras du Gange. »

En 1596, les Hollandais apparurent à leur tour sur les côtes de l’Indo-Chine. Les Anglais, établis depuis quelque temps sur les côtes de l’Inde, commencèrent également à s’immiscer dans les affaires de la péninsule. Les compétitions qui se produisirent alors entre les différents pavillons européens, pour conserver ou acquérir une part prépondérante dans le commerce de cette presqu’île, nuisirent à leur influence et affaiblirent leur prestige. Les actes de piraterie, les trahisons, les violences dont les Portugais surtout s’étaient rendus coupables, amenèrent partout la désaffection et la haine. Syriam, qui leur avait été cédé par le roi d’Aracan, fut repris en 1613 par le roi d’Ava, qui y fit mourir Philippo de Brito. À Siam, au Cambodge, au Tsiampa en Cochinchine, au Tong-king, où les Portugais possédaient des factoreries, une lutte sourde s’éleva entre eux et les Hollandais. Brouwer, gouverneur général des Indes néerlandaises, se rendit en 1613 à Ajuthia, où depuis 1606 il y avait une loge hollandaise, et où en 1610 Henri Middleton fonda le premier comptoir anglais. Des facteurs anglais et hollandais furent massacrés en 1619 en Cochinchine. En 1624, le roi de Siam força le Portugais Fernando de Sylva à rendre une galère enlevée aux Hollandais dans la rivière de Bankok. Sous le gouvernement de Van Diemen, le Hollandais Charles Hartsinck jouit un instant d’une grande faveur à la cour du Tong-king, et jeta en 1637 la base des premières relations commerciales avec ce pays. La Compagnie hollandaise avait aussi à ce moment un établissement au Cambodge : elle s’empara en 1641 de Malaca, et le commis Gérard van Wusthof remonta la même année le fleuve du Cambodge ou Mékong jusqu’à Vien Chan, capitale du Laos. Pas plus que ses prédécesseurs, Wusthof ne s’est préoccupé de nous laisser des documents géographiques sérieux. En 1643, l’assassinat de Regemortes, ambassadeur hollandais, et de