atteint son maximum, et elle est assez considérable pour annuler la marche d’un navire à vapeur, ou du moins pour gêner ses évolutions. Les changements d’aspect dans la forme des îles, la disparition de certains points de repère, rendront sa route incertaine, et cette incertitude sera d’autant plus dangereuse qu’un grand nombre d’îlots et de rochers seront alors recouverts par les eaux. À quelques jours d’intervalle, certaines parties de la rivière deviendront absolument méconnaissables, et une carte ne pourra jamais traduire autre chose que les limites extrêmes atteintes par le fleuve pendant la sécheresse et pendant l’inondation. Les difficultés sont plus graves encore, si on considère la descente du fleuve. Un navire à vapeur devra conserver une grande vitesse pour gouverner au milieu d’un courant lui-même excessivement rapide. Il faudra donc reconnaître, avec la plus grande promptitude et la plus rigoureuse précision, le chenal étroit et sinueux qui se perd au milieu d’un dédale d’îles d’un aspect uniforme ; une seconde de retard, le moindre faux coup de barre, occasionneront presque toujours un malheur irréparable, et un échouage dans de pareilles conditions de vitesse et de courant deviendra une catastrophe.
Ces considérations, si l’on admet l’existence d’un chenal praticable à toute époque de l’année, doivent faire préférer la saison sèche pour la navigation du fleuve : des berges plus nettement dessinées, un courant moins fort, des points de repère plus nombreux et plus élevés, les dangers eux-mêmes devenus autant de signaux indicateurs rendront la reconnaissance du chenal plus facile et les échouages moins dangereux.
La question de la navigabilité du fleuve entre Cratieh et les cataractes ne pourra être définitivement résolue qu’après qu’une hydrographie minutieuse aura été faite de cette partie de son cours. Il est à désirer que ce travail soit entrepris le plus tôt possible.
Aux cataractes mêmes s’arrête forcément, à moins de travaux gigantesques, toute navigation continue du Mékong. On peut estimer environ à une vingtaine de mètres la différence de niveau que ces chutes établissent entre le bassin sud et le bassin nord du fleuve. De Khong à Bassac et même jusqu’à l’embouchure du Se Moun, c’est-à-dire pendant un espace de 90 milles environ, le fleuve est facilement navigable. Mais au delà se présentent une série de rapides qui rendent excessivement problématique la possibilité de prolonger la navigation sans une interruption nouvelle.
Le débit du fleuve à Bassac, le 5 décembre, moment où les eaux avaient baissé de 9 mètres et où le courant n’avait plus qu’une vitesse moyenne de 1m,00 par seconde, a été calculé de 9 000 mètres cubes par seconde[1]. Le 20 septembre, jour du niveau maximum atteint par le fleuve, ce débit devait probablement dépasser 30 000 mètres cubes. Il serait intéressant de constater ce débit au moment du niveau le plus bas et du courant le plus faible. En admettant que les eaux aient baissé de 3 mètres encore après notre départ de Bassac, le débit minimum du fleuve en ce point peut être évalué à 2 ou 3 000 mètres cubes par seconde. Il faut remarquer que Bassac est au-dessus du confluent de la
- ↑ La section du fleuve a été prise vis-à-vis le sala de la Commission pour le grand bras et un peu au-dessous de la pointe de l’île Deng pour le petit bras. La vitesse moyenne a été déduite de la vitesse à la surface par la formule de Prony. Peut-être, en raison de la forme de la section, large et peu profonde, aurait-il fallu réduire davantage la vitesse superficielle. Voyez la carte, p. 184-5.