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Cambodge, au marché d’Attopeu et aux régions forestières, riches en or et probablement en argent et en plomb, situées au nord et à l’est de ce dernier point.

Le fleuve restera dans tous les cas, entre Bassac et Pnom Penh, la voie de retour la plus commode et la plus rapide pour les marchandises indigènes. Les bois de construction, les marbres dont nous avons signalé l’existence sur les bords mêmes du fleuve, en un mot toutes les matières lourdes et encombrantes, ne prendront jamais une autre route.

Le meilleur moment pour remonter le fleuve est novembre, alors que les eaux ont déjà baissé de plusieurs mètres. À cette époque, on a devant soi un laps de temps assez considérable pour gagner Bassac en barque, faire ses échanges et contracter des marchés livrables à la saison suivante. En outre des denrées que j’ai déjà désignées comme d’une défaite avantageuse à Stung Treng (p. 171), des objets de mercerie et de quincaillerie, du savon, des cotonnades seraient bien reçus des Laotiens. Les sauvages recherchent avidement du fil de laiton, des verroteries, de la poudre.

À l’origine, il sera nécessaire de faire aux mandarins de petits cadeaux et d’employer leur intermédiaire pour tous les marchés. Presque tous les produits d’échange se réunissent entre leurs mains et entre celles des négociants chinois qu’ils commanditent et qu’ils protègent. Ce n’est que peu à peu que les échanges directs deviendront possibles : l’initiative individuelle et la production locale se développeront en raison de la demande extérieure, des garanties qu’elle offrira, des facilités de trafic qu’elle procurera.

Les mines de fer de la province de Tonly Repou réclament les premiers efforts de l’industrie européenne. Elles sont abondantes et les communications sont faciles à établir. Les mines de cuivre de Bassac, les gisements aurifères d’Attopeu peuvent également donner lieu à des exploitations fructueuses. L’augmentation des cultures pourrait provoquer une exportation réellement importante en soie, en tabac et en coton.

Malheureusement, on ne peut guère estimer la population laotienne, répartie entre les provinces de Bassac, Stung Treng, Khong, Sieng Pang, Saravan, Attopeu, etc., à plus de cent mille âmes et la population totale de cette zone n’atteint pas cent cinquante mille individus. C’est bien peu pour un espace que l’on peut évaluer à 74,000 kilomètres carrés, c’est-à-dire au huitième environ de la France.

L’émigration chinoise et annamite peut faciliter beaucoup l’exploitation agricole et industrielle de cette riche contrée. Le contact direct des Européens avec les indigènes sera plus à redouter. La simplicité et la douceur des habitants encouragent à en abuser, et il serait nécessaire qu’il y eût à Bassac un résident français auprès duquel les indigènes et les Européens pussent, en cas de contestation commerciale, trouver un juge équitable. Il ne serait pas difficile sans doute d’attirer et de fixer dans les régions salubres et fertiles des environs de Bassac, les cultivateurs chinois qui émigrent annuellement de Chine vers Saĩgon. Leurs relations avec leurs compatriotes de Cochinchine, leur activité commerciale, la suppression des douanes de Pnom Penh, seraient les plus sûrs moyens de diriger vers notre colonie le courant des échanges qui hésitent encore entre Bankok et Pnom Penh.

Il y a déjà quelques Chinois mariés avec des indigènes et établis comme agriculteurs