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tristement courbés dans sa direction ; il fait calme, et l’on dirait qu’une tempête perpétuelle passe dans ces branches et les incline sous son effort. D’énormes troncs abattus gisent sur la rive ; d’autres, entraînés par le fleuve, sont restés suspendus sur la cime des arbres submergés, comme les arches d’un pont détruit. Partout une apparence de ravages et de ruines dissimule une force et une fécondité réelles.


VUE DU FLEUVE AU-DESSUS DE LA CHUTE DE SALAPHE.

Le fleuve offre au delà de plus riants paysages. Ses eaux se déroulent le long de plages au sable d’or, au milieu d’îles charmantes, qu’il semble se complaire à dessiner dans son cours. De nombreuses troupes de singes s’ébattent en criant sur les arbres de la rive et s’amusent à suivre la barque légère qu’emporte le courant. À son approche, les cerfs qui buvaient se retirent lentement ; le buffle sauvage, qui se frayait un large chemin au milieu des hautes herbes, s’arrête pour la contempler d’un œil farouche. De nombreuses troupes de paons se promènent gravement à l’ombre, tandis que sur le sable brûlant, ou sur les rochers noirâtres qui apparaissent çà et là près des bords, d’innombrables caïmans bâillent au soleil ; des échassiers au bec gigantesque, de brillants martins-pêcheurs fixent le flot d’un œil avide, plongent et s’envolent avec leur proie, tandis que le poisson, insouciant du danger, joue à la surface de l’eau et, dans ses ébats, vient retomber dans la barque même, bonne fortune inattendue des bateliers.