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forment autant de réservoirs naturels d’où l’eau de pluie se répand partout en petits ruisseaux, distribués avec intelligence dans toutes les plantations. Le Muong se trouve sur la côte est de l’île. Nous y arrivâmes le 26 août, à 4 heures et demie du soir. Un logement nous était déjà préparé sur le bord de l’eau, presque vis-à-vis de la résidence du gouverneur, et nous n’eûmes qu’à nous y installer.

Le gouverneur, bon et jovial vieillard de quatre-vingts ans, nous accueillit avec les marques de sympathie et de curiosité les plus vives : il était complètement sourd, et pour le tenir au courant de la conversation, un serviteur devait écrire sans relâche sur un tableau qu’il lui mettait ensuite sous les yeux. Sa bienveillance et son empressement à satisfaire à toutes nos demandes ne se démentirent pas un instant. À Khong, nous n’étions annoncés par aucun antécédent fâcheux pour la considération des Européens : la tranquillité et la richesse de cette province, qui devait à sa position insulaire de ne ressentir jamais les contre-coups des guerres et des troubles des pays voisins, rendaient la population plus confiante qu’à Stung Treng, où l’on était exposé souvent aux incursions des sauvages et des rebelles annamites ou cambodgiens. Notre générosité, la douceur de nos


navigation dans un bras latéral du fleuve.


allures, la régularité de la conduite des hommes de l’escorte justifièrent et augmentèrent cette confiance. Les habitants se montrèrent plus qu’empressés et nous importunèrent souvent par leur curiosité de toute heure et de toute circonstance. Les moindres objets européens, apportés comme cadeaux ou comme objets d’échange, excitaient la plus vive admiration en même temps que les plus grandes convoitises. Le gouverneur, rendu l’heureux possesseur de quelques-uns d’entre eux, disait que bien certainement Bouddha avait dû naître en France et non dans un pays aussi dénué et aussi barbare que le sien. Il nous envoya un bœuf en retour, ce qui nous causa un plaisir infini, pareille aubaine ne nous étant point arrivée depuis notre départ de Pnom Penh.

La position de Khong en fait un centre commercial assez important, et les échanges y sont plus actifs qu’à Stung Treng. Ils paraissent monopolisés entre les mains de Chinois fixés dans le pays depuis longtemps et mariés à des femmes indigènes. Aux denrées déjà signalées à Stung Treng, il faut ajouter ici la soie que l’île de Sitandong produit en quan-