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Ang Snguon se retira à Bankok où il mourut en 1823.

Ce ne furent pas les seules guerres qui troublèrent le long règne d’Ang Chan. En 1818, un bonze se disant inspiré, nommé Ke, souleva la province de Ba Phnom ; cette rébellion fut comprimée avec l’aide des Annamites. En 1830, le gouverneur de Pursat se révolta à son tour et réclama l’aide des Siamois. Ceux-ci se hâtèrent de profiter d’une occasion qui pouvait leur procurer la conquête des provinces de Pursat et de Compong Soai, devenues, après celles de Battambang et d’Angcor, l’objet de leur convoitise. Le fameux général siamois, connu sous le nom de Bodin et célèbre déjà par sa répression de l’insurrection laotienne et la prise de Vien Chan en 1828, envahit le Cambodge en 1831, et vainquit l’armée royale. Ang Chan fut obligé de se réfugier à Vinh-long. Ses deux frères, Ang Em et Ang Duong, passèrent naturellement du côté des Siamois. Ceux-ci essayèrent de descendre le fleuve pour achever l’entière conquête du royaume ; mais, sur ce terrain naval, les Annamites firent sentir au Bodin leur écrasante supériorité. Les Siamois durent se retirer devant le retour offensif ordonné par Minh-mang, qui avait succédé en 1820 à son père Gia-long, et Ang Chan fut de nouveau replacé sur le trône. Il mourut au commencement de l’année suivante. Les Annamites donnèrent la couronne à sa seconde fille, Ang Mey, et le Cambodge fut effectivement gouverné par un grand fonctionnaire annamite nommé Tru’ong-minh-giang, qui résida à Pnom Penh.

Cette domination étrangère, exercée sans ménagements et avec une dureté toujours croissante, ne tarda pas à irriter profondément les populations, dont on changeait brusquement tous les usages, et auxquelles on imposait sans transition le système administratif annamite. La construction par corvées d’une route destinée à relier Pnom Penh à Ponteay Meas combla la mesure du mécontentement. La province de Compong Som se souleva à l’instigation de deux frères, l’okhna Chey et l’okhna Chu (1834), et les Siamois en profitèrent pour faire une incursion dans le Cambodge d’où ils ramenèrent un assez grand nombre de prisonniers annamites. Cette révolte était à peine comprimée, que la province de Compong Soai se souleva à son tour (1837). Le roi de Siam avait préposé Ang Em au gouvernement de la province de Battambang et Ang Duong à celui d’Angcorborey, et ces deux princes n’attendaient qu’une occasion favorable pour rentrer au Cambodge. Tru’ong-minh-giang, dont l’activité et l’énergie grandissaient avec les circonstances, fit proposer secrètement à Ang Em la royauté du Cambodge, en lui dénonçant en même temps une prétendue conspiration de son frère Ang Duong. Ang Em fit rappeler Ang Duong à Bankok, puis il s’avança vers Pursat, où le gouverneur annamite le reçut avec distinction et le fit escorter jusqu’à Pnom Penh. Mais là, Tru’ong-minh-giang, jetant le masque, le fit mettre en cage et l’envoya à Hué.

Malheureusement, la domination annamite continuait à s’affirmer par des actes de violence et d’irréligion qui devaient profondément blesser un peuple aussi fervent que le peuple cambodgien. Son orgueil souffrait de l’atteinte que recevait le prestige de la famille royale des procédés de Tru’ong-minh-giang. On accusait ce dernier de vouloir emmener à Saïgon Ang Mey dont il avait fait sa maîtresse et les trois autres filles d’Ang Chan. L’emprisonnement de l’une d’elles, dont la mère avait eu le tort de se rendre à Bankok,