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ville fut reprise l’année suivante par les Annamites : Phaya Tak fut obligé de se retirer à Ha-tien, et Ang Non à Kompot. Mais, en 1774, éclata la fameuse révolte des Tay-son, qui mit la dynastie royale annamite à deux doigts de sa perte. Ang Tong abdiqua en faveur de son frère Ang Van. Celui-ci prit le titre de Prea Ream Reachea Typdey, refusa de se reconnaître vassal d’An-nam, et reprit My-tho et Vinh-long. Il était d’un naturel emporté et sanguinaire, et son plus jeune frère Ang Than, qui était troisième roi, ayant voulu s’opposer à ses volontés, fut assassiné par ses ordres. Ang Ton en éprouva une telle frayeur qu’il mourut de maladie huit jours après. En 1780, le roi annamite Nguyen-anh, connu plus tard sous le nom de Gia-long, ayant pu rétablir son autorité dans la province de Gia-dinh (Saïgon), fit la guerre à Ang Van, contre lequel les Cambodgiens s’étaient soulevés. Ang Van fut battu et mis à mort par ses propres sujets que ses cruautés avaient exaspérés. On proclama roi à sa place Ang Eng, fils de Ang Ton, qui n’était âgé que de huit ans, et dont un mandarin, nommé Mo, fut nommé régent.

Comme on devait s’y attendre, les Siamois ne tardèrent pas à envahir le Cambodge ; mais, sur ces entrefaites, une révolte renversa Phaya Tak du trône, et les deux généraux qui commandaient l’armée siamoise se hâtèrent de retourner à Bankok pour s’y faire proclamer rois. Les Annamites, accourus à la rencontre des envahisseurs, restèrent maîtres du pays jusqu’au Grand Lac (1783). En 1784, un mandarin nommé Bien, serviteur du roi Prea Ream (Ang Van), revint de Siam où il s’était caché, mit à mort le régent Mo et prit sa place. Mais il ne tarda pas à être chassé par une révolte fomentée par un Malais, et il s’enfuit de nouveau à Bankok, emmenant le jeune Ang Eng. L’année suivante, la révolte fut comprimée ; Ang Eng fut ramené au Cambodge. Le mandarin Thang fut nommé régent à la place de Bien, et celui-ci reçut, en récompense de ses services passés, le gouvernement des provinces de Battambang et d’Angcor. Peu après, Gia-long lui-même dut se réfugier à Bankok et implorer l’aide du roi de Siam ; mais l’armée siamoise qui lui fut donnée pour le ramener à Saïgon fut battue par les Tay-son, et ce fut avec ses seules ressources et le concours des officiers français qui s’étaient attachés à sa fortune, que Gia-long parvint à reconquérir son trône. En 1790, les six provinces du delta du Cambodge, celles qui appartiennent aujourd’hui à la France, étaient pacifiées et reconnaissaient son autorité.

En définitive, c’était le Cambodge qui avait payé les frais de toutes ces guerres désastreuses. Il se trouvait réduit à ce moment aux provinces qui entourent le Grand Lac et à la partie de la vallée du grand fleuve comprise entre les cataractes de Khong et Pnom Penh. Vis-à-vis de Siam, ce n’était plus qu’un royaume tributaire qui, en toute occasion, devait prendre le mot d’ordre de son suzerain, et fournir à la première invitation des corvées de travailleurs et des troupes auxiliaires.

Ce ne fut qu’en 1795 que Ang Eng, qui avait pris le titre de Prea bat Borom Bapit, etc., obtint du roi de Siam qu’on lui rendît sa mère, sa femme et ses fils restés jusque-là en otage à Bankok. Il est utile de donner ici le nom de ceux des fils de ce prince qui vécurent et jouèrent plus tard un rôle politique : l’aîné était Ang Chan, né en 1791 ; après lui vinrent Ang Snguon (1794), de la même mère qu’Ang Chan ; Ang Em, d’une autre