Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/170

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lontiers que Phaya Uthong est le prince à la cour duquel se rendit Ibn Batoutah en quittant Sumatra, et que ce voyageur arabe désigne sous le nom de sultan de Moul Java[1].

Phra Rama Thibodi, après s’être emparé d’Angcor, y établit successivement trois de ses fils comme souverains. Leur domination parait avoir duré de 1352 à 1358, et, pendant cette période, les Siamois emmenèrent plus de 90,000 Cambodgiens captifs. À la mort de Phra Rama Thibodi, survenue en 1369, le Cambodge avait recouvré son indépendance. Quelques années après, le roi siamois Phra Borommaraxa vint de nouveau assiéger Angcor. Au bout d’un siège de sept mois, la ville fut prise, le roi du Cambodge fut tué, et son fils s’enfuit chez les Annamites (1373). Borommaraxa établit son fils roi à Angcor sous le nom de Phra Chao Ento Reachea ; mais celui-ci fut assassiné l’année même de son avènement par des émissaires du prince royal cambodgien qui, avec l’aide des Annamites, que nous voyons intervenir pour la première fois dans les affaires du Cambodge, revint régner à Angcor. En 1384, le roi du Cambodge, profilant de ce que le roi de Siam, Phra Rame Souen[2], était engagé dans une guerre contre Xieng Mai, porta à son tour la guerre chez les Thai, pilla les villes de Chonbury et Chantaboury, et ramena 6,000 captifs. Mais Phra Rame Souen exerça de terribles représailles ; il s’empara d’Angcor l’année suivante et n’y laissa que 5,000 habitants. Le roi du Cambodge s’enfuit, et son fils fut fait prisonnier. Un général siamois, nommé Xainerong, fut laissé avec 5,000 hommes pour garder le pays. Le roi du Cambodge paraît avoir invoqué de nouveau l’aide des Annamites pour remonter sur le trône. En 1388, le roi du Cambodge abandonna sa capitale, trop exposée aux incursions siamoises, et fixa sa résidence à Basan ou Boribun, puis à Pnom Penh[3]. Le règne de ce prince, qui portait les titres de Prea Reachea Angca Prea Borom Reachea Thireach Reamea Typhdey, est un des plus longs de l’histoire khmer, et le Cambodge paraît jouir d’une grande tranquillité jusqu’en 1437. C’est peut-être pendant cette période que fut élevée la pyramide de Pnom Penh.

D’après les historiens des Ming, les relations officielles entre le Cambodge et la Chine furent, à cette époque, d’une activité remarquable ; mais les noms des rois cambodgiens sont peu reconnaissables dans les transcriptions chinoises, et il est difficile d’établir des identifications qui permettraient de résoudre les quelques difficultés chronologiques que présente le détail des événements de cette partie de l’histoire khmer. En 1383, des officiers chinois furent envoyés au Cambodge avec le pouvoir d’examiner les voyageurs chinois qui s’y trouvaient, et l’empereur Tai-tsou fit remettre de riches présents au souverain cambodgien, qu’il avait sans doute intérêt à ménager. Celui-ci lui envoya en retour cinquante-neuf éléphants et 60,000 livres de parfums. En 1404, un ambas-

  1. Cf. Dulaurier, J. A., mars 1847, p. 230 et suiv. ; Yule, Cathay and the way thither, p. 518 ; Maury, loc. cit., p. 230. La citation de Komara parmi les contrées qui dépendent de Moul Java semble coïncider avec la conquête du Cambodge par Phaya Uthong. Voyez aussi, dans une note sur l’histoire des rois de Pasey (Dulaurier, J. A., mars 1847, p. 257), le récit de la guerre soutenue par eux contre les Siamois.
  2. C’était le fils de Phra Rama Thibodi. Après avoir régné un an (1370-71), il avait abdiqué en faveur de Phra Borommaraxa. Il était remonté sur le trône en 1382 en assassinant le fils de celui-ci.
  3. Un examen plus attentif des chroniques siamoise et cambodgienne m’a amené à rectifier le récit que j’avais donné dans le Journal asiatique de cette période de l’histoire cambodgienne. Cf. Chinese repository, t. V, p. 59.