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C’est vers la fin du treizième siècle (1276), que le royaume malais de Malaca fut converti au mahométisme, et que ce nouveau culte commença à se répandre dans les îles de la Sonde, et probablement dans le Tsiampa[1].

Quelques années avant la fondation d’Ayuthia par les Thai, nous sommes enfin en possession de chroniques indigènes[2] établissant d’une façon à peu près continue la succession des rois du Cambodge jusqu’à nos jours. Nous entrons dans l’histoire des temps modernes et de la décadence des Khmers.


§ 6. Résumé historique des temps modernes.


En 1346, le roi Prea Nipean Bat règne à Angcor. La tradition rapportée par Pallegoix, qui fait du fondateur d’Ayuthia un roi cambodgien, n’a aucune vraisemblance, puisque les chroniques khmers nous montrent en 1352 le roi de Siam, Phaya Uthong, qui avait pris le titre de Phra Rama Thibodi, assiégeant Angcor deux ans après avoir fondé Ayuthia, et détrônant le roi cambodgien Prea Lompong Reachea, fils de Prea Nipean Bat.

La fondation d’Ayuthia n’est sans doute que la conséquence des progrès incessants accomplis par les Siamois dans leur mouvement de conquête vers le sud, et une tradition fait venir Phaya Uthong de Tcha-liang, ville située par 16° de latitude nord et 97° de longitude environ. Ce prince était le sixième d’une dynastie qui avait réuni les peuples de Xieng Hai et de Kampheng Phet pour fonder cette nouvelle ville. Il en fut chassé après six ans de règne par une peste terrible et il émigra plus au sud, où il fonda Ayuthia en 1350. Phaya Uthong paraît avoir été un grand conquérant. Si on en croit les annales siamoises, sa domination se serait étendue sur toute la presqu’île de Malaca, jusqu’à Martaban et Moulmein, et n’était limitée, au nord de la vallée du Menam, que par Xieng Mai et Lakhon où régnaient les descendants de Phra Ram Kamheng. Le nom de Java figure dans la liste des royaumes qui relevaient de Phaya Uthong[3] ; il désigne ici une partie de l’île de Sumatra, probablement le royaume de Pasey. Il faut rabattre beaucoup d’ailleurs de cette énumération de princes tributaires. Les chroniques malaises mentionnent, en 1340, une guerre entre le roi de Siam et le roi de Malaca, mais font périr le premier les armes à la main[4] ; les souvenirs javanais placent également à la même époque l’invasion par une armée cambodgienne du royaume de Majapahit, invasion qui aurait été victorieusement repoussée par Damar-woulan, beau-frère du roi Angka-wijaya[5]. Cette invasion doit être attribuée probablement aux Siamois, qui avaient succédé au Cambodge déchu dans la prépondérance de la péninsule. Ces quelques expéditions lointaines ont suffi aux historiens siamois pour leur faire inscrire comme tributaires tous les pays qui avaient été inquiétés un instant par les armées de ce peuple vaniteux. Nous croirions vo-

  1. Voy. les traditions rapportées par Baslian au sujet du Tsiampa, t. 1, p. 512 de son ouvrage Die Voelker, etc.
  2. J’ai publié la traduction commentée de ces chroniques dans les numéros du Journal asiatique d’octobre-novembre-décembre 1871 et mai 1872, et je n’en donnerai ici qu’un aperçu rapide.
  3. Cf. Pallegoix, Description, etc., t. II, p. 75 ; Chinese repository, t. XX, p. 345-346.
  4. Crawfurd, History of the Indian archipelago, t. II, p. 484.
  5. St. Raffles, The history of Java. t. II, p. 113.