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pali pour le prier d’envoyer à Ceylan des prêtres pieux et instruits qui pussent décider sur quelques points controversés de leur foi commune.

Aramana, qui est la seule désignation géographique qui apparaisse dans les parties traduites des ouvrages singalais qui m’ont été accessibles, est sans doute encore le royaume de Pagan dont le nom pali est Arimaddana ; Anauratha et Anouradha sont identiques, et le Cambodia de Turnour est le Kamboza birman situé entre l’Iraouady et la Salouen, qui, de l’ancienne domination d’Angcor, avait passé sous celle de Pagan. D’après Mason, une mission fut envoyée en 1171 de Birmanie à Ceylan, et dix ans après, cinq prêtres très-versés dans la littérature birmane se rendirent de Ceylan à Pagan. Parmi eux se trouvait un Cambodgien[1]. Il est probable que les faits mis par Turnour au compte de Siam doivent être appliqués au Cambodge, et il est intéressant de constater la suprématie religieuse exercée du dixième au douzième siècle par la péninsule indo-chinoise sur tous les pays bouddhistes. « À l’époque des Quatre Senas, dit Taranatha, la moitié du clergé rassemblé dans le Magadha appartenait au pays Koki. Comme par suite de cela le Mahajana (grand véhicule ou école du Nord) s’était très-répandu, le Mahajana et le Hinajana (petit véhicule ou école du Sud) ne purent plus se distinguer l’un de l’autre… Lorsque le Magadha fut conquis par les Turuschkas (musulmans), les savants du Madhjadeca allèrent pour la plupart dans ces contrées, où la religion fit des progrès considérables, alors que dans le Magadha elle devint comme éteinte[2]. »

À partir de Phnhea Krek, les traditions indigènes ou siamoises ne nous apprennent rien sur le Cambodge, si ce n’est qu’au bout de trois générations la race de ce roi s’éteignit. C’est donc une autre dynastie que la sienne qui renoua pendant les années Tching-ho et Hiouen-ho (1116-1123) les relations interrompues avec la Chine. En 1128, il y avait un résident chinois à la cour de Cambodge. À cette époque, disent les historiens des Song, on voyait dans ce royaume une tour en cuivre entourée de vingt-quatre tourelles pareillement en cuivre, aux entrées de laquelle étaient placés huit éléphants de même métal, pesant chacun 4,000 livres. Retrouvons-nous ici une mention du Baion ?

La domination du Cambodge ne s’étendait plus sur la côte occidentale de la presqu’île de Malaca, car nous voyons, à la fin du onzième siècle, Aloung-tsithou[3], roi de Pagan, occupé à réprimer une révolte à Ténassérim ; son petit-fils, Narapathi-tsithou, visita Tavoy vers la fin du douzième siècle ou au commencement du treizième. Pendant les années Tching-youen (1153-56), le Cambodge fit de nouveau la guerre au Tsiampa, et sou-

    éléphant, et proclama que ladite cité était la conquête des troupes du roi de Lanka, et que ses habitants devaient le reconnaître pour leur souverain (Mahavansi, ch. LXXV, trad. Upham, t. I, p. 292-93)… Le roi Sree Parackrama Bahu maha loo maha rajah, irrité de ce que les rois infidèles voulaient abolir la religion de Bouddha…, composa une armée de 125,000 géants qu’il envoya au dehors. Ils firent captifs les rois des contrées appelées Solee Rata et Pawndia Rata ; de là ils s’avancèrent en soumettant tout devant eux jusqu’à la contrée appelée Aramana. Tous ces pays se reconnurent tributaires. » (Rojaratnacari, trad. Upham, t. II, p. 87.) Le Rajavali (même vol., p. 253) reproduit exactement les mêmes détails.

  1. Cf. Mason, op. cit., p. 45 ; Yule, Narrative of a mission to the court of Ava, p. 47-48 (note) et 206.
  2. Schiefner, Geschichte des Buddhismus, etc., p. 255 et 263.
  3. C’est le roi que Crawfurd appelle Alaun-chany-su et qu’il fait monter sur le trône en 1081 Cf. Mason, op. cit., p. 45. C’est sans doute par inadvertance que Bastian attribue cette expédition au roi Anauratha, antérieur de trois règnes à Aloung-tsi-thou (Die Voelker, etc. I, p. 191).