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sur sept villes ; et la coutume de partager le royaume entre les différents princes de la famille royale qui prenaient le titre de Siao ouang « petits rois » prévalut à partir de ce moment jusqu’au roi Pan-kouang. » Ce système féodal a laissé des traces dans l’organisation actuelle du Cambodge, dans laquelle les grands dignitaires de la couronne ont pour apanage une ou deux provinces du royaume. « Les Siao-ouang reconnaissaient un suzerain commun (Hay koue thou tchi, historiens des Liang), mais ce lien était trop faible pour empêcher les guerres intestines, et le fils même de Prea Thong mécontenta vivement ses vassaux en cherchant constamment querelle à tous ses voisins (Pien y tien). Le long règne de Pan-kouang fut le dernier de cette période de morcellement et de divisions intérieures. Il mourut à l’âge de 90 ans et laissa la couronne à son fils puîné nommé Pan. Celui-ci remit le soin des affaires à un premier ministre nommé Fan-se-man (littéralement, « chef des troupes » ) et mourut au bout d’un règne de trois ans. Fan-seman fut appelé au trône par les acclamations unanimes du peuple, fatigué sans doute de discordes civiles. Son habileté guerrière et le courage de ses troupes lui permirent de faire rapidement la conquête des pays voisins. Il prit alors le titre de Ta ouang « grand roi[1], » fit construire de grands navires, à l’aide desquels il subjugua plus de dix royaumes maritimes, tels que Kiou-tou, Kouen-kicou-tche, Tien-sen. Il ajouta ainsi à son empire une étendue de plus de 6, 000 li. »

D’après Ptolémée[2], c’est-à-dire au deuxième siècle de notre ère, une route conduisait de la métropole de la Chine au Cambodge, et dans les tables de Peutinger, se trouve également le nom de Calippe, ancienne appellation de Pnom Penh.

« À ce moment, dit le Pien y tien, les habitants du royaume de Ta-thsin (empire romain) allaient souvent pour leurs relations de commerce jusqu’au Fou-nan. » Cette période de commerce prospère et de relations suivies coïncide avec l’époque des conquêtes de Fan-se-man et avec l’éclosion de la civilisation ou plutôt de l’architecture gréco-hindoue d’Angcor. C’est probablement à ce moment que furent construites ces grandes et belles chaussées dont on retrouve encore des vestiges à de grandes distances d’Angcor et auprès desquelles se trouvaient de distance en distance ces grandes mares creusées où venaient se baigner les buffles et les éléphants porteurs de fardeaux. Selon toutes les probabilités, la domination du Fou-nan s’étendait à cette époque des embouchures du Sitang à celles du Cambodge, et comprenait même, en outre de la presqu’île de Malacca, une partie de Sumatra et de Java[3]. (Voyez la carte historique de l’Indo-Chine au iiie siècle, p. 128-129.)

  1. Les mots Ta ouang sont la traduction littérale du titre de Maharaja que portaient les souverains du Zabedj. Il est curieux de rapprocher ce passage des historiens chinois de la description que fait Massoudi de l’empire du roi des Îles. (Les Prairies d’or, t. I, p. 341-43, traduction Barbier de Meynard et Pavet de Courteille.)
  2. Lib. I, cap. xvii. J’adopte, on le voit, les identifications de Gosselin.
  3. Voyez les raisons, tirées des ressemblances du langage et des traditions, déjà exposées p. 110, 111 et 115. Quand les Portugais s’emparèrent de Malacca, ils trouvèrent dans le voisinage des monuments qu’ils prirent pour les tombeaux des rois de cette ville et qu’ils démolirent pour construire des fortifications. Or il n’y avait eu que huit princes malais ayant régné sur ce point, et leurs tombes, auxquelles il n’était point d’usage de