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Cambodgiens actuels et qui n’en sont que les instituteurs religieux, il semble signifier « Malais brahmane[1] » et tient peut-être à la ressemblance que les indigènes crurent remarquer entre les Hindous et les noirs habitants de la Malaisie.

La tradition a conservé le nom de quelques-uns des missionnaires d’Açoka en Indo-Chine. Potera et Tauna convertirent le pays Talain de Thatoung ; le second, accompagné d’Anouta, Oupaha et Soupitha, paraît, d’après les traditions du nord du Laos, avoir pénétré jusqu’à Muong Yong et Xieng Hong.

Il ne semble pas cependant que le bouddhisme ait acquis immédiatement une grande prépondérance au Cambodge, puisque les monuments les plus anciens paraissent se rattacher au culte brahmanique.

L’empereur Hiao-wou-ti des Han étendit ses conquêtes sur presque toute la péninsule indo-chinoise, et le Cambodge fut momentanément tributaire de la Chine vers 125 avant notre ère[2].

D’après le contexte des historiens chinois, c’est deux siècles environ après cet événement qu’il faut placer la venue de Prea Thong au Fou-nan[3].

La patrie de Prea Thong, le Muong Rom ou Romavisei, suivant les indigènes, ou le royaume de Ki[4] ou Kiao, suivant les Chinois, serait-elle l’ancien Kamboja du nord-ouest de l’Inde ? Nous en sommes réduits, pour le prouver, à quelques coïncidences trop peu nombreuses pour emporter la conviction, suffisantes pour qu’on ne puisse omettre cette hypothèse. Dans tous les cas, la façon même dont voyage Houen-tien ou Prea Thong, avec des marchands qui se rendent au Fou-nan, semble exclure toute idée de conquête armée ou d’invasion nombreuse. C’est une civilisation qui s’introduit en Indo-Chine, ce n’est pas une race qui en asservit une autre.

À l’époque présumée où se passe cet événement, les Scythes ou Yue-tchi, avaient détruit le royaume grec de la Bactriane, et envahi l’Inde. Après une lutte acharnée, ils avaient été repoussés de la péninsule par les princes indigènes. Les bouleversements, les invasions et les guerres dont ces régions étaient le théâtre, peuvent donc expliquer, jusqu’à un certain point, un déplacement aussi considérable que le voyage de Caboul ou de Gazni aux côtes de l’Indo-Chine. Avec Houen-tien se seraient introduits le nom de Kamboja ou de Kampouchea, qui aurait remplacé celui de Couc Thlok, la science astronomique, dont les auteurs chinois constatent avec étonnement l’existence au Cambodge, et dont l’origine occidentale est encore attestée aujourd’hui par le nom de Hora donné aux astrologues, les architectes et les sculpteurs qui allaient présider à la construction

  1. Chhvea est encore le mot qui désigne aujourd’hui les Malais en cambodgien.
  2. Duhalde, Description de la Chine, édition in-folio de 1735, t. I, p. 384.
  3. Le Dr  Bastian (op. cit., I, 463) reporte son arrivée beaucoup plus tard, vers 227 de notre ère ; il ajoute même que Houen-tien envoya des ambassadeurs en Chine. J’ignore sur quelle autorité il se fonde. Les premières dates relatives au Fou-nan qui apparaissent dans le Pien y tien se rapportent à l’échange d’ambassades entre ce royaume et la dynastie des Ou, qui a régné sur une partie de la Chine méridionale de 222 à 278 a. d. ; mais à ce moment, d’après les récits chinois, six ou sept générations au moins s’étaient écoulées depuis l’arrivée de Houen-tien.
  4. La Sogdiane ou pays de Samarcande est désignée dans les auteurs chinois sous le nom de Ki-pin.