des autochthones. Les Samre, les Xong, les Khamen boran sont de toutes ces tribus celles qui se rapprochent le plus des Khmers actuels. Leur langue est, pour les sept dixièmes, le cambodgien moderne ; on n’y trouve plus aucun radical malais ou pali, non plus que la numération quinquennale, mais en revanche, un assez grand nombre de mots essentiels leur sont communs avec l’annamite. Les Halang, les Banar, les Cedang, les Huéi, les Banam, les Cat, les Souc qui habitent entre le grand fleuve et la chaîne de la Cochinchine diffèrent davantage des Cambodgiens et leurs dialectes représentent sans doute plus fidèlement la langue des anciens autochthones. La division actuelle en tribus de ces sauvages reflète fidèlement l’organisation passée de l’ancien Cambodge qui, au dire des auteurs chinois, ne comprenait pas moins de 60 tribus différentes[1].
Il y a un autre groupe de tribus qui semble, au point de vue du langage, devoir être rapproché tout particulièrement de la famille malaise ou océanienne : ce sont les Hin et les Soué qui occupent l’extrémité nord du massif montagneux qui sépare Bassac de la Cochinchine, les Radé, les Candio, les Chams ou Tsiams, les Stieng, les Kouys, les Charaï. Ces tribus, mélangées d’une façon assez confuse avec celles qui précèdent, sont peut-être les restes des populations qui formèrent jadis le royaume de Lin-y ou de Tsiampa et qui, suivant une des légendes cambodgiennes rapportées plus haut, auraient occupé le territoire du Cambodge au moment de l’arrivée des Khmers.
Cette classification des principaux éléments de la population indigène est bien imparfaite et bien incertaine encore : elle laisse en dehors un certain nombre de tribus telles que les Proons, les Boloven, les Iahoun, etc., qui habitent la même région et sur lesquels nous ne possédons que des renseignements insuffisants. La domination du Cambodge s’est d’ailleurs étendue sur tout l’ensemble de ces tribus ; ce fait et les relations de voisinage peuvent suffire à expliquer les rapports de langage qu’elles ont conservés entre elles. Il faut signaler ici qu’en vertu d’une exception assez bizarre et qui doit tenir à une ancienne suprématie historique, les Kouys et les Radé sont les seules tribus qui ne fournissent point des sujets au marché d’esclaves du Cambodge. Les Kouys auraient eu une grande époque aux temps même de la ville d’Angcor.
En résumé, si l’on veut résoudre le problème ethnographique si compliqué que présente l’Indo-Chine, il faut étudier avec le plus grand soin cet élément de population, auquel sa division en tribus donne des aspects très-variés et qui tend à disparaître rapidement devant les progrès des races mongoles, Annamites, Siamois, Laotiens, Chinois, qui ont joué vis-à-vis des races indigènes de l’Indo-Chine le rôle des races aryennes vis-à-vis des autochthones du nord de L’Inde.
Ce sont quelques-unes de ces tribus qui formaient sans doute la nation cambodgienne quand elle apparaît pour la première fois dans l’histoire, constituée en un royaume auquel les Chinois donnent le nom de Fou-nan, les Annamites celui de Phonam et qui
- ↑ Voy. le Ta thsing y thoung tchi, k. 140. Article Tchin-la, A. Rémusat, op. cit., p. 25, etc., etc.