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que les constructeurs khmers aient donné à leurs ponts une solidité qui de prime abord parait exagérée. Le bruit que fait la rivière à cette époque de l’année en s’engouffrant sous les arches est tel que les éléphants refusent de passer. Ce pont est appelé par les indigènes Spean Tahon.

Sur cette même rivière et à une assez grande distance en aval, est, selon les indigènes, un autre pont semblable à celui-ci, mais peut-être moindre, que l’on appelle Spean Preapil.

Après avoir traversé le Stung Chacreng. on arrive au village de Kouao, qui est auprès d’une mare artificielle. Elle borde l’ancienne chaussée, qui, depuis Top Chey, ne s’écarte pas sensiblement de la route moderne. À l’ouest de la mare, est un petit sanctuaire. Au sud, dans la forêt, il y en a un autre plus considérable appelé Preasat Pram. « les cinq tours ». Son enceinte est en pierre de Bien-hoa ; seuls, les dessus des portes sont en grès sculpté. Comme toujours, la porte de l’est est la plus importante : elle se reliait au sanctuaire, qui était en grès et avait des dimensions considérables, mais dont la partie centrale est écroulée. Les deux édicules qui l’accompagnent ont leurs soubassements et leurs voûtes en grès : le reste de la construction est en pierre de Bien-hoa. Toutes les pierres de cette dernière espèce sont d’un très-beau choix et leur union au grès produit un très-bon effet au point de vue de la couleur. En dehors de l’enceinte, on aperçoit les restes d’un soubassement à angles en grès. Le nom de ces ruines indique en effet qu’il devait y avoir d’autres édifices en ce lieu.

Preacan[1]. — Cette résidence est à une grande journée de marche, à l’est de Kouao. Avant d’y arriver, on croise l’ancienne chaussée en un point où se trouve un de ces petits ponts, destinés à faciliter la circulation des eaux et à donner issue aux courants accidentels qui se forment dans la saison des pluies : ce pont est établi et orné comme ceux des fossés : les ouvertures en sont rectangulaires. Un peu plus loin, sur les bords de la route, est une tour ruinée, précédée à l’est de quelques vestiges de construction. On pénètre dans Preacan par l’entrée est. On traverse le grand fossé qui en défend les abords, sur un pont monumental dont les faces latérales sont ornées de sculptures colossales représentant des oiseaux Krout. La balustrade en est supportée de distance en distance par des groupes de quatre personnages grimaçants. La porte présente trois ouvertures, couronnées chacune par une tour et précédées de péristyles à colonnes. Après l’avoir franchie, on suit une route pavée qui laisse, à droite, un édicule important, à gauche, la petite enceinte d’une pagode, et un peu plus loin de chaque côté, un Sra à marches de pierre. Un escalier conduit à une chaussée plus large qui présente de face deux grands lions de pierre, debout et en mouvement, les pattes en avant. Ce sont les meilleures sculptures de ce genre que contiennent toutes les ruines que nous avons visitées.

L’édifice est maintenant devant nous : il est à galeries, mais incomplet. La première enceinte est une galerie basse : aux angles, et des deux côtés de l’entrée, elle supporte des tourelles rondes : la porte elle-même n’a pas de tour, mais seulement des voûtes. La construction supplémentaire, que l’on trouve ordinairement sur la face est, n’est pas ici nettement déterminée : on trouve d’abord quatre édicules rangés sur la même ligne, puis

  1. Voy. Atlas, 1re partie, planche XIV, le plan de ce monument.