Du côté nord, le lit d’un torrent sert de fossé. Le pont est détruit et le courant s’est établi au delà. Il y a là les vestiges de deux rangées parallèles de pierres. Il est probable que ce sont les restes des murs qu’on avait substitués à l’enceinte en terres levées pour laquelle on ne disposait pas, comme sur les autres faces, des déblais du fossé.
Méléa, disent les indigènes, était relié directement à Angcor par une chaussée rectiligne qui de là se prolongeait jusqu’à Preacan ; cette chaussée était exactement orientée est et ouest. La détermination de la position de Pnom Coulen contredit cette dernière assertion : Méléa est un peu dans le nord relativement à Angcor Thom.
Partout dans le voisinage de Méléa, le grès apparaît par blocs ou en bancs à la surface du sol. Le torrent met cette roche à nu sur tout son parcours. On se rappelle sans doute que nous ne sommes ici qu’à peu de distance des carrières. Mais en continuant à s’avancer dans l’est, le grès est bientôt remplacé par la pierre de Bien-hoa qui forme de tous côtés des couches énormes, de plusieurs lieues d’étendue.
Non loin de Méléa[1] est le petit sanctuaire de Top Chey, qui est en pleine foret près d’un trapeang ou grande mare creusée, qui sert de lieu de halte. L’enceinte de Top Chey est en pierre de Bien-hoa, avec portes en grès. Celle de l’est a des proportions monumentales. Le sanctuaire est voûté ; il est en grès ainsi que les deux édicules qui lui font face.
Au bout de quelques heures de marche, on arrive au Stung Chacreng, rivière importante que l’on traverse sur un grand pont de 63 mètres de long et de 12 de large. Son aspect général est imposant. Il est construit en pierres de Bien-hoa de fortes dimensions ; la plupart ont 1m,50 de long, quelques-unes dépassent 2 mètres. Elles sont appareillées avec une judicieuse entente : celles qui forment et recouvrent les voûtes sont placées dans le sens de la longueur du pont ; celles qui supportent le tablier sont dans le sens perpendiculaire aux piles ; elles sont alternées. Il y a en tout quatorze arches de 1m,80 d’ouverture ; les piles ont 1m,60 de large ; la hauteur du tablier au-dessus du pied des piles est de 8 mètres. La base des piles repose directement sur le grès, qui en cet endroit forme le lit de la rivière, et cette base est élargie graduellement de manière à atteindre une dimension de 30 mètres dans le sens du courant. Les balustrades existent encore : elles sont en grès et présentent la forme habituelle de dragon à sept têtes. Sous les têtes, est sculpté en relief un personnage aux jambes croisées. À ses extrémités, le pont est défendu de chaque côté par des massifs de terre que soutiennent et parementent des marches en pierre. Ces massifs peuvent avoir 20 mètres de long et 15 de large, et on y compte une vingtaine de marches. La dernière vient aboutir un peu en arrière de la première arche. De l’entrée de l’arche de l’ouest à l’arche de l’autre extrémité, il y a 45 mètres, alors que la largeur moyenne de la rivière n’est que de 30 mètres ; nous avons indiqué déjà la raison d’être de cet élargissement. Insensiblement, la rive ouest de la rivière s’ensable ; les eaux se portent du côté opposé et l’on peut prédire à ce pont le destin de celui d’Angcor. En présence de ces effets produits par la violence et l’irrégularité des courants au moment des pluies, on comprend
- ↑ Voy. pour le reste de cet itinéraire, la carte itinéraire no 3, Atlas, 1re partie, planche VI.