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Toutes les terres nécessaires au remblai des terrasses ont été prises sur les côtés du monument, où se trouvent ainsi creusées de vastes et profondes mares.

À Leley et à Bacong, les terrasses n’ont point de moulures horizontales comme celles des monuments d’Angcor. La faculté d’invention semblait déjà émoussée chez les artistes. On avait hâte d’achever les monuments. Les briques employées sont plus belles, plus fortes, plus rouges que celles d’Angcor.

Avant de quitter complètement Angcor, ajoutons que la tradition signale encore l’existence : 1o d’une pièce d’eau, plus grande que le Sra Srong dont il va être parlé plus loin, et entourée seulement de terres levées ; elle serait située droit au nord de la ville ; 2o d’une grande enceinte en terres levées qui aurait entouré tout ce groupe de ruines, et qui, dans le sud, passerait aux environs du mont Crom. On retrouverait encore des vestiges de corps de garde ayant appartenu à cette enceinte.


§ 7. — Melea-Preacan.


Il nous reste maintenant à parler des monuments disséminés le long de la route qui conduit à l’est chez les tribus Kouys.

En partant d’Angcor Wat, on rejoint, près du village de Preadac, l’ancienne chaussée khmer, qui d’Angcor Thom se dirigeait vers le grand fleuve. Un peu avant de l’atteindre, on passe auprès d’une immense pièce d’eau à marches de pierre, nommée par les habitants Sra Srong. Elle a 600 mètres de l’est à l’ouest, 400 mètres dans l’autre dimension[1] ; les marches sont en pierre de Bien-hoa, à l’exception de la première qui est en grès ainsi que le parement supérieur. Sur la face ouest qui regarde la ville d’Angcor, il y a un débarcadère, orné de lions et de dragons de pierre, qui s’avance dans le bassin. Les habitants affirment qu’au milieu de ce petit lac, se trouvent enfouis dans la vase les débris d’une ancienne construction. Si l’on admettait une erreur de chiffres dans le texte de la description chinoise d’Angcor, on pourrait reconnaître dans le Sra Srong, le lac oriental dont elle parle : « ce lac est à l’est de la ville à dix li, et il peut avoir cent li de tour ; au milieu est une tour de pierre et un autre édifice de pierre. On voit dans la cour une statue en cuivre « de Bouddha couché ; une fontaine dont l’eau ne s’arrête jamais jaillit de son nombril[2]. »

En divers points, tout autour de ce bassin, apparaissent des vestiges de constructions peu importantes. La terre extraite a été rejetée sur les bords qui sont en amphithéâtre. Des canaux en pierre traversaient ces terres levées et apportaient les eaux du voisinage.

La grande chaussée, qui est à peu de distance, n’offre aucune particularité intéressante. La terre en a été prise tout à côté, et il en résulte une longue mare encore parfaitement dessinée. Cette chaussée viendrait aboutir à la résidence de Ta Prohm. Un peu plus au nord, il y aurait une seconde chaussée parallèle à celle-ci, et dans l’est, une troisième qui lui serait perpendiculaire.

  1. Le Dr  Bastian donne à ce lac des dimensions beaucoup plus considérables (2000 et 4000 pieds). Ce n’est pas la seule inexactitude que contienne son travail, d’ailleurs très-remarquable. La carte des environs d’Angcor qui l’accompagne n’est qu’un croquis sans valeur géographique. (J. R. G. S. t. XXXV, p. 75.)
  2. Rémusat. Op. cit., page 44. On sait que la valeur moyenne du li est de 400 mètres environ.