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et la troisième en retrait de 3 mètres sur la seconde ; celle-ci mesure environ 90 mètres dans le sens est et ouest, 80 dans le sens nord et sud, et supporte quatre tours en briques rangées deux par deux ; leur porte ouverte fait face à l’est, les trois autres faces sont ornées de portes fermées en grès sculpté. Les tours du nord se trouvent sur l’axe est et ouest du monument, ce qui fait supposer qu’il y avait autrefois six tours au lieu de quatre. La tour nord-est renferme une grosse statue fort laide, à laquelle les habitants viennent faire des offrandes. C’est un areak, disent-ils, sorte de démon ou de divinité secondaire.

Sur les encadrements en grès de chaque porte ouverte, sont des inscriptions, très-bien conservées, véritables chefs-d’œuvre d’écriture lapidaire. Les caractères ont 14 millimètres de hauteur, et sont creusés très-uniformément. Ce sont les vieux caractères cambodgiens d’Angcor, mais plus arrondis, plus nets, plus beaux. Ces inscriptions commencent à la face de droite qu’elles remplissent, et se continuent à celle de gauche. Nous en donnons deux spécimens reproduits photographiquement sur des empreintes prises à la mine de plomb ; le premier est un peu moins du tiers, le second environ la moitié de la grandeur naturelle (Voy. pages 75-79). Ces inscriptions sont lues, mais non comprises par les plus savants des prêtres du Cambodge. Les mots employés appartiennent à un langage trop ancien dont on ne retrouve quelques vestiges aujourd’hui que dans les recueils de lois antérieurs au seizième siècle.

Autour du monument, on rencontre de tous côtés des colonnes renversées ou encore debout, qui paraissent provenir d’une enceinte à galeries ou de sanctuaires et autres édifices secondaires aujourd’hui disparus. À la base des tours est un canal en grès pour l’écoulement des eaux. C’est le seul exemple d’une disposition de ce genre dans les monuments khmers que nous connaissons.

À l’entrée des escaliers est du plateau supérieur est une énorme plaque de grès qui porte de chaque côté une inscription presque effacée. C’est la même inscription répétée en caractères différents ; les uns sont semblables à ceux que l’on trouve aux portes du monument ; les autres, plus modernes, sont analogues à ceux de Pnom Bachey, dont il sera parlé plus loin.

La tradition locale affirme que c’était du haut de la terrasse supérieure de Leley que les rois d’Angcor assistaient aux joutes et aux combats navals qui avaient lieu, pendant la saison des pluies, dans la plaine, immergée à cette époque, que domine ce monument.

Preacon est à une petite lieue de Leley. Après avoir traversé un mur d’enceinte en pierre de Bien-hoa, on arrive à trois tours en briques d’une grande beauté. Leur surface est recouverte d’une couche de ciment d’environ 3 centimètres d’épaisseur, sur laquelle s’étalent des sculptures extrêmement variées dont la conception et le dessin dénotent un art admirable. L’inspiration est la même qu’à Angcor ; mais, soit que de nouveaux progrès

    géographiques dont l’écriture s’éloignait trop de la prononciation réelle ; ainsi j’ai écrit Keo au lieu de Kev, Cratieh au lieu de Cracheh ; Pnom au lieu de Phnom, etc. Il faut que le lecteur, en regardant une carte, puisse y lire les noms à peu près tels que les prononcent les indigènes, sans être obligé d’apprendre autant d’orthographes de convention qu’il y a de pays représentés. Il faut aussi que sa mémoire ne soit pas effrayée par l’aspect barbare de certains mots. C’est aux cartographes à faire prévaloir ces dénominations géographiques ainsi simplifiées, en réservant les noms véritables aux linguistes et aux chercheurs d’étymologies.