Page:Louis Bethléem - La littérature ennemie de la famille, Librairie Bloud & Gay, 1923.djvu/93

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne possédant aucun droit ou ne jouissant que d’un droit usurpé ou subordonné, s’emparent de la rue,


    Ce néologisme énergique ne laisse pas d’exprimer congrûment la pensée de M. Deherme, et de traduire un fait, hélas ! constant. M. Deherme apporte à l’appui de son opinion une admirable page de Proudhon, qu’il nous faut lire à notre tour :
    « À force de broyer la corruption, la littérature a fini par corrompre les littérateurs ! Montrez-moi quelque part des consciences plus vénales, des esprits plus indifférents, des âmes plus pourries que dans la caste lettrée. Combien en connaissez-vous dont la vertu soit restée hors d’atteinte ? Qui est-ce qui, depuis trente ans, nous a versé à pleins bords le relâchement des mœurs, le mépris du travail, le dégoût du devoir, l’outrage à la famille, si ce n’est la gent littéraire. Qui a puisé avec le plus d’impudeur à la caisse des fonds secrets ? Qui a le plus séduit les femmes, amolli la jeunesse, excité la nation à toutes sortes de débauches ? Qui a donné le spectacle des apostasies les plus éhontées ? Des littérateurs, toujours des littérateurs. Que leur importent la sainteté de la religion, la gravité de l’histoire, la sévérité de la morale ? Tout leur va, pourvu qu’ils en retirent de la vogue et de l’argent ».
    En 1898, M. Lhomme, dans un ouvrage intitulé La Comédie d’aujourd’hui (pp. 223-224), exposait la même opinion :
    « Les livres, écrivait-il, sont faits aujourd’hui, pour la plupart, par des gens qui sont la honte et l’opprobre de leur temps. Cette espèce a grandi sur le boulevard, elle a vécu dans l’intimité des drôles, parmi les financiers véreux, les démagogues sans clientèle, les acteurs, les filles, toute l’écume de Paris. Elle s’est façonnée aux mœurs élégantes dans ces salons interlopes, sortes de bazars, où la chair humaine s’étale et se vend à tout prix. Elle fréquente les