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man éveille et intensifie, dans une sensibilité de vingt ans, des rêves, des désirs, des émotions, qui, peu à peu captivent l’âme, l’absorbent, créent en elle une exaltation qui cherchera vite à se satisfaire.

« L’amour semble désormais à ce jeune homme la grande affaire, la seule affaire. Tout le reste finit par s’estomper pour lui. Il subit encore le cadre extérieur de son existence mais il s’en fatigue, il s’en lasse. La famille n’a plus pour lui d’attraits. Le travail en a moins encore. La piété le rebute. C’est un somnambule. Il parle, il va, il vient ; les apparences ne le trahissent pas encore au regard aveuglé des siens, mais il porte en lui un rêve, un rêve puissant, vers lequel convergent toutes ses pensées, tous ses projets, tous ses élans.

« La catastrophe se produira tôt ou tard. Car une sensibilité aussi exaltée ne peut longtemps demeurer muette. Et quand elle se produira, il sera souvent trop tard pour qu’on puisse espérer une guérison. Le mal sera trop profond parce que l’esprit aura été faussé. À lire les romanciers, ses maîtres, le jeune homme en est arrivé à penser que l’amour est quelque chose de sacré, de suprême, que rien ne règle ni n’explique, et que bien fou est celui qui sacrifie l’amour — quel qu’il soit, du reste — à des considérations d’un autre ordre.