Page:Louis Bethléem - La littérature ennemie de la famille, Librairie Bloud & Gay, 1923.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Je n’oublie point que, plusieurs siècles avant les représentations du théâtre Édouard VII, La Rochefoucauld affirmait que « tout le plaisir de l’amour est d’aimer » et que Goethe s’écriait brutalement : « Si je t’aime, est-ce que cela te regarde ?… » Plus plaisamment encore, un personnage de Porto-Riche avait fait cette remarque : « J’aime le poulet, je n’ai pas besoin que le poulet m’aime ! »

« Seulement, c’était de l’esprit ou du pessimisme. Aujourd’hui c’est l’amour même… Notre passion d’aujourd’hui est plus orgueilleuse : elle se flatte d’être éphémère et pose à l’être. Elle se présente avec la fougue des choses qui vont mourir et l’impétuosité des gens qui se pressent. Elle n’est pas romantique, mais positive ; elle n’est pas sentimentale, mais sensuelle ; pas exaltée, mais frénétique… Elle ne tient compte ni des circonstances, ni des êtres, et se soucie tellement peu d’aucun devoir qu’il peut lui arriver de les respecter tous. Elle s’accommode aussi bien du mariage que de l’aventure, puisque le mariage n’est plus qu’une aventure et souvent la plus facile à dénouer. Marions-nous ou ne nous marions pas, peu importe. « Je t’aime ! » — Pour combien de temps ?… — Comment veux-tu que je sache ?… L’instant est, d’après les philosophes, ce qui ressemble le plus à l’éternité… Soyons éternels ce soir !