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moins déplorable. Durant la période de la paix européenne, qui a succédé à l’unification germanique, et qui n’a été troublée que par la guerre russo-turque de 1877-78 et par le conflit serbo-bulgare ou par le conflit gréco-turc, il a maintenu intacts le prestige de l’uniforme et l’autorité du sabre. Alors que les armées restaient face à face, sans sortir de l’immobilité, derrière les lisières d’États, des détachements nombreux opéraient aux quatre points cardinaux, hors du continent. Entraînés par leurs instincts belliqueux, les peuples suivaient avec soin ces expéditions faciles, où les fusils et les canons perfectionnés fauchaient des milliers « d’inférieurs ». On s’enthousiasmait pour les traits d’héroïsme, que les journaux contaient complaisamment ; on exaltait la bravoure et l’intelligence des généraux chargés de conduire ces campagnes ; on portait si haut leurs victoires, que certains d’entre eux étaient assimilés aux plus grands conquérants de tous les temps. Cette lutte continue sur les deux hémisphères, qui surexcitait la curiosité, qui développait le chauvinisme, contribuait à perpétuer l’orgueil et la domination de la caste militaire. L’officier, qui dans l’apparente concorde européenne, et dans la suppression momentanée des grandes conflagrations, eût perdu une part de sa considération traditionnelle, renouvelait sa puissance dans les tueries de sauvages.

En même temps, le colonialisme ranimait de proche en proche les instincts de barbarie et les tares sommeillantes. Il n’est jamais bon, pour