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Bruxelles, Anvers et Liège, ils eussent grossi la puissance de l’État, et consolidé son prestige matériel et moral. En se plaçant au point de vue nouveau, qui s’impose à tous les peuples, l’acquisition de la Belgique ne serait plus pour la France qu’une déplorable opération. Cette annexion, en régime capitaliste, aboutirait à des catastrophes économiques pour nos verriers du Centre, pour nos tisseurs du Nord, pour nos métallurgistes de Saône-et-Loire et d’ailleurs. Elle créerait tout simplement une concurrence intérieure contre laquelle, cette fois, le protectionnisme le plus ardent ne pourrait trouver moyen de réagir. À chaque instant, telle ou telle de nos productions risquerait d’être écrasée.

Autant jadis les agrandissements territoriaux étaient prisés en Europe, quand la culture de la terre était le mode essentiel d’activité, autant nos capitalistes souverains doivent les rejeter délibérément aujourd’hui. Car les domaines nouveaux, que les États conquerraient à leurs frontières immédiates, révolutionnés déjà, eux aussi, par le machinisme, ne leur fourniraient point de consommateurs ; ils leur opposeraient seulement une surproduction de plus.

Le champ des conflits contemporains s’est de la sorte transporté dans les mondes lointains, dans ces espaces que les explorateurs mêmes n’avaient point encore sillonnés il y a cinquante ans. Et ces conflits sont innombrables ; de terribles guerres sont en perspective. Chacun menace toutes les colonies d’autrui. Tout État se rend compte qu’à moins d’élargir la clientèle de