Toute expédition, à moins qu’elle ne soit désastreuse, met en relief le soldat qui l’a conduite, et accroît son prestige aux yeux de la foule mal éduquée, ou détournée du bon sens par un faux enseignement ; tout massacre glorifié, exalté par la presse quotidienne, par le parlementarisme, par l’esprit public (et tel est le cas de tous les carnages exotiques) engendre une diminution dans la valeur mentale, dans l’humanité des citoyens.
Peut-être, en ces quelques lignes, avons-nous indiqué suffisamment les relations du colonialisme avec le régime de paix armée qui règne sur l’Europe, et aussi l’influence néfaste qu’il détient, par répercussion, sur la cérébralité des masses encore inorganisées. Tels sont les deux points qui seront traités, avec un peu plus de détail, en ce chapitre.
C’est un fait certain, quoique assez rarement constaté et signalé, que les vieux problèmes des frontières européennes ne passionnent plus autant les nations de notre continent : la France, l’Allemagne, l’Italie, etc. Au moyen âge, on se battait pour une seigneurie, une baronnie, un comté, parfois une commune. Plus tard, les peuples unifiés les premiers se disputèrent avec acharnement des provinces, la Normandie ou l’Aquitaine, la Lorraine ou la Flandre. Avec le xviiie siècle apparaissent déjà les rivalités coloniales : la France et l’Angleterre, tout en se heurtant dans les mers d’Europe, guerroient au Canada et dans l’Inde ; mais la campagne aux colonies, si longue et si acharnée soit-elle,