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sur la sentimentalité, et que le fait domine l’idée. Dans une large mesure, la dispersion des rapports de commerce compromet la stabilité des empires coloniaux contemporains, et nombre de colonies pourront hésiter un jour entre la proclamation d’autonomie et une naturalisation, c’est-à-dire une défection collective.

L’impérialisme anglais est en partie fondé sur ces craintes. Jusqu’ici les appréhensions d’ordre économique ont été seules avouées par M. Chamberlain et ses adeptes, les appréhensions d’ordre politique étant reléguées au second plan, ou dissimulées ; mais elles ne s’en exercent pas moins.

Les auteurs du grand plan de Fédération douanière se sont proposé à la fois de sauvegarder l’unité de la domination anglo-saxonne, et de restituer à la Grande-Bretagne un marché de plusieurs milliards qu’elle trouvait légitime de reconquérir. Contre l’établissement d’une ligne de douanes qui envelopperait la métropole et tous ses territoires d’Afrique, d’Asie, d’Amérique, d’Australie ; contre une participation effective de ces territoires aux dépenses de la guerre et de la marine, on leur assurerait la clientèle exclusive de l’Angleterre. Celle-ci ne demanderait plus de céréales à la Russie, ni de beurre au Danemark, ni de vin à la France, ni de viande à l’Argentine : mais l’Inde, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, le Canada deviendraient ses uniques fournisseurs. Ils deviendraient en échange des clients plus fidèles, et se fourniraient de coutellerie, de cotonnade, de verrerie