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sent plus souriantes aux colonialistes, puisque le commerce de l’État Indépendant touche maintenant à tout près de 100 millions de francs, et que de 1896 à 1903, il a triplé. Mais le lecteur l’a constaté : la colonisation congolaise est de nature particulière. Le roi Léopold a entendu beaucoup moins créer des débouchés qu’instituer une ferme, une exploitation de caoutchouc et d’ivoire, et il en est du système en vigueur comme de celui qui a sévi tant d’années sur Java, sur les Moluques, sur les Philippines : il durera ce qu’il durera ; à force de pressurer l’indigène, on soulèvera une révolte de l’opinion européenne, plus accentuée que celle d’aujourd’hui, et une insurrection générale des noirs ; on épuisera pour le reste les richesses naturelles du pays, et la disparition progressive de l’ivoire est un indice qui mérite d’être relevé. Les procédés de l’État et des sociétés à charte rappellent le mot de Montesquieu sur les sauvages, qui coupent l’arbre par le pied pour en avoir les fruits.

En règle quasi-universelle, on peut donc dire sans exagération, que le colonialisme ne constitue pas une bonne opération. Seuls quelques capitalistes en tirent des profits certains, et encore leur nombre demeure-t-il extrêmement restreint. La concurrence économique est telle dans le monde, que bien souvent, après avoir multiplié les dépenses pour la conquête, pour l’occupation, pour l’aménagement administratif, voire même pour les travaux publics, un pays se trouve avoir frayé un accès et ouvert un dé-