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par le colonialisme, lorsqu’on a énuméré le massacre et la destruction systématique, le refoulement et la fiscalité spoliatrice. Il nous reste à envisager la plaie suprême de tout empire exotique, le mal qui couvre toute l’étendue des terres acquises aux puissances dites civilisées, — le travail forcé, la forme nouvelle de la servitude.

Le capitalisme ne peut trouver un profit sérieux à l’exploitation, à la mise en valeur des contrées confisquées par la violence, que s’il obtient la main-d’œuvre à bas prix. L’Européen ne saurait travailler sous les climats tropicaux ; or le plus souvent le nègre ne se soucie pas de manier la pioche : même surchargé d’impôts, il se donne une peine infinie pour se soustraire à tout labeur. À son indolence, il a une double excuse : celle de la température, et celle du vol perpétuel dont il est la victime. Comme les administrateurs officiels et les sociétés de culture ou autres ne recrutent ni ouvriers blancs par l’offre des salaires élevés, ni ouvriers noirs par la simple persuasion, l’esclavage déguisé est devenu la règle.

Toutes les nations ont voté des lois qui libèrent les esclaves et qui prohibent la traite. Et pourtant, de temps à autre, le scandale éclate ; ou apprend brusquement que des traitants exercent encore leur profession au Soudan ou au Lagos, au Cameroun ou au Benadir. Dans les dernières années, les tribunes de tous les Parlements ont retenti d’accusations qu’on rejetait d’abord avec dédain, qui, en réalité, étaient trop justifiées.