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Il semble que les Hollandais aient détenu la palme de la cruauté. Après avoir exterminé des tribus entières dans l’Insulinde, ils contraignirent les indigènes de Java aux pratiques les plus humiliantes. Quand un fonctionnaire passait sur une route, les natifs devaient se prosterner ; si un simple commerçant apparaissait, ils étaient tenus de tourner le dos et de fermer leur parasol. Pour qu’aucune tentation ne leur vînt de s’élever, il leur était interdit d’apprendre la langue de leurs maîtres, qu’ils regardaient comme des dieux descendus du ciel.

Lorsque l’esclavage fut supprimé en théorie, on s’ingénia à le restaurer en fait. Le célèbre gouverneur Van den Bosch institua en 1832 un système qui, avant de ruiner ces îles, produisit de surprenants résultats. Dans l’ensemble du pays, furent délimitées des zones d’État, qui représentaient un cinquième de la surface totale, et où les indigènes travaillaient gratuitement un jour sur cinq. Dans les autres parties, seules certaines cultures étaient autorisées : le café, le sucre, le thé, l’indigo, le tabac, et la récolte devait être livrée à l’État qui en prélevait les deux cinquièmes à titre d’imposition fiscale, et qui payait le reste au prix qu’il fixait lui-même. Comme ce prix demeurait naturellement fort au-dessous de la valeur réelle, le gouvernement exerçait une spoliation continue, qui chiffra par plusieurs milliards, de 1832 à 1874. En fin de compte, il fallut abolir cette méthode qui ne rendait plus, mais elle avait suffi à démoraliser la nation, tenue dans l’ignorance