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puisqu’il est rétabli partout sous une forme nouvelle. Encore l’esclave ancien était-il ménagé par son propriétaire, qui avait tout intérêt à le conserver le plus longtemps possible, et pour lequel il représentait une valeur ; l’esclave de nos jours est d’autant plus malmené, qu’il est libre en théorie, qu’on ne peut guère le revendre, et que les capitalistes établis à temps n’ont qu’à puiser dans les fourmilières noires.

La thèse de la supériorité des races européennes, sur l’Asiatique ou l’Africain, correspond à la politique, que les blancs ont pratiquée constamment depuis le xvie siècle, sur les continents annexés. De même que les Espagnols formaient une caste spéciale au Pérou et au Mexique, de même l’Anglais, le Français, l’Allemand du xxe siècle s’imagine qu’il possède tous les droits sur les créatures soi-disant inférieures qu’il exploite. Il commence par la brutalité ; il finit par l’assassinat. Il n’y a pas lieu de s’étonner du nombre et de l’horreur de certains crimes exotiques, qui soulevèrent, pendant quelques instants, la réprobation dans le monde civilisé. Il serait plus légitime de s’étonner que ces forfaits ne soient pas plus nombreux et plus horribles encore. Les actes fameux imputés à l’administrateur Toqué, dans le Haut-Congo (juillet 1903), découlent directement de la doctrine qui prévaut parmi les fonctionnaires et les trafiquants d’Afrique : c’est que le nègre n’est pas un homme, et que sa vie n’est point digne d’estime.