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finesse de traits. La bouche était petite ; les yeux noirs et profonds avaient une expression de langueur prenante ; le front était légèrement bombé, le corsage moulait un torse bien pris et une poitrine ronde et ferme ; le cou d’une blancheur de lait naissait entre deux épaules qu’Hector ne put s’empêcher d’admirer…

Mais tout de suite, en voyant la marche, l’allure générale, le regard surtout, et la lueur qui brillait dans les yeux noirs lorsqu’ils se fixaient sur lui, le comte ne put s’empécher de s’écrier :

— Dieu me damne, Altesse… mais vous ressemblez au roi comme si vous étiez sa sœur.

Or, nul ne connaissait de sœur au roi Benoni XIV. Qu’était donc cette princesse qui ressemblait de façon si frappante au souverain, au point d’en avoir jusqu’au regard ?…

Le lecteur qui est au courant du mystérieux entretien que nous avons relaté entre le grand sénéchal et la reine-mère pensera sans doute que c’était là une fille bâtarde de ces deux personnages, ce qui eût expliqué pourquoi ils avaient parlé d’inceste à ce propos…

Hector, qui ignorait cet entretien, ne savait que penser.

La princesse qui n’avait pas encore prononcé une parole ouvrit enfin la bouche et ce qu’elle dit laissa le jeune homme confondu. Certes, il s’attendait à quelque chose d’extraordinaire et de stupéfiant, mais ce qu’il entendait dépassait tout ce qu’il eût pu imaginer.

La princesse dont la reine-mère lui avait dit : « Celle que vous pouvez appeler votre femme », la jeune altesse qui était seule avec lui dans cette chambre, devant le lit qu’il était invité à partager avec elle, cette beauté mystérieuse qui ressemblait tant à Benoni XIV venait de lui dire, de la même voix douce et chantante qui était celle du souverain :

— Je ne suis pas la sœur du roi !… Je suis le roi !

La jeune femme s’assit et elle parla ainsi :

« Messire, voici le moment où vous devez connaître le secret de ma naissance.

Vous vous rappelez que lorsque je vins au monde, de mon sexe dépendait le sort de la couronne. Si la reine avait un fils, il serait roi, si elle avait une fille, le trône revenait à mon cousin le duc de Boulimie.

Or, ce fut une fille qui naquit. Mais la reine ma mère, d’accord avec votre père, alors colonel des hallebardiers de la garde, décida de cacher la vérité afin que mon cousin ne reçut pas la couronne, et l’on proclama qu’un prince était venu au monde, un prince qui fut reconnu roi sous le nom de Benoni XIV.

Vous pensez ce que fut mon enfance. Élevé officiellement comme un garçon, j’étais une fille ! Ce n’était que