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rêves où la fille du duc de Boulimie tenait toujours la première place…

Lorsqu’il s’éveilla, il faisait grand jour. Il jeta les yeux autour de lui, tout étonné de se retrouver dans cette chambre, puis il se souvint de son mystérieux voyage et de la communication que devait lui faire son père ce jour même.

— J’ai hâte, dit-il, d’apprendre ce qu’on attend de moi.

Et il sauta en bas de son lit pour s’habiller.

Mais une surprise l’attendait, une surprise qui dépassait tout ce qui lui était déjà arrivé d’extraordinaire, et qui n’était pourtant que le début de l’aventure extravagante dont il allait devenir le héros.

Ses vêtements avaient disparu, ainsi que son épée, qu’on lui avait rendue la veille au moment de sa sortie de la Tour du Silence.

À la place, il vit déposés sur les meubles des habits de femme, une robe de prix en riche étoffe, du linge fin, une collerette de dentelle brodée, des bijoux comme s’en parent les dames nobles, et une haute perruque qui devait, certainement, simuler une chevelure absente.

Il prit ces ornements féminins, les tata pour s’assurer qu’il ne rêvait point, puis dit à haute voix :

— Eh quoi ! Veut-on que je m’habille en femme ? Est-ce là la condition voulue par le roi ?… Et quelle raison a-t-il de m’imposer pareil travestissement ? Tout cela est vraiment étrange.

Il en était là de ses réflexions lorsqu’on frappa à sa porte.

C’était son père. Celui-ci lui dit :

— Hector, êtes-vous prêt à me recevoir ?

— Certes, fit le jeune homme. Et même je suis heureux que vous arriviez pour me donner des éclaircissements…

En même temps, il ouvrit la porte. Mais aussitôt il recula, étonné. Le grand sénéchal était habillé de violet, couleur dont avaient coutume de se revêtir les Sigouriens lorsqu’ils avaient perdu un de leurs proches parents.

— Pourquoi, mon père, ce costume de deuil, et qui devons-nous pleurer ?

— Ne vous ai-je pas dit, mon fils, de ne vous étonner de rien ?

— Sans doute, mais avouez qu’il m’advient des aventures fort surprenantes. Je vous vois vêtu de deuil et je trouve, au lieu de mes vêtements, des habits de femme. Me seraient-ils destinés ?

— Ils vous sont destinés mon enfant. Et le deuil que je porte est celui de mon fils qui doit passer pour mort aux yeux de tous.

— Mais encore ?

— Écoutez-moi donc paisiblement et sans m’interrompre.